31 janvier 2013

Les RSE sont-ils bien engagés ?

Les réseaux sociaux d'entreprise, RSE, étaient un de mes dadas l'an passé. J’ai publié un communiqué de presse cette après-midi à propos de leur essor. Malheureusement, c'est une petite phrase du rapport qui reçoit toute mon attention, masquant les bonnes nouvelles relatives au développement du RSE (le développement est réel).  « Pour l’instant la majorité des usages sont proches de ceux existant sur les Intranet collaboratifs ; seuls quelques îlots dans l'entreprise ouvrent la voie à de nouvelles pratiques prometteuses. Beaucoup d’entreprises ont adopté les réseaux sociaux sans en voir toute la valeur ajoutée car elles sont convaincues de ce qu’ils apporteront sur le long terme. »

Je résume : les entreprises passent au RSE car elles sont persuadées que c'est utile mais ne s'en servent qu'en remplacement des intranets. 

C'est dommage. Depuis près de vingt ans (avant nous n'étions même pas en réseau), je constate la ma montée en charge des outils de gestion du travail en ligne, au sein de différentes entreprises avec lesquelles j'ai collaboré, en tant que consultant ou salarié, et j'ai vu les mêmes erreurs se commettre, la principale étant d'imposer un outil et des normes sans se préoccuper d'une part des usages et des besoins et d'autre part des modalités d'appropriation par les potentiels utilisateurs. 

En français dans le texte, les machins sont si compliqués qu'on ne sait pas comment les utiliser.  On ne pense même pas à les utiliser. Et on fait n'importe quoi ce qui se traduit par des échanges de mails et de coup de téléphone pour des machins qui pourraient être règles en trois clics de cuiller à pot. 

Le problème est toujours le même dans les grosses entreprises : il y a tellement d’applications différentes à connaître qu’il est impossible aux utilisateurs de tout connaître. L’an dernier, j’avais fait une liste :
-         demande de congés,
-         note de frais,
-         gestion de la documentation,
-         gestion de carrière,
-         gestion des incidents,
-         agenda partagé,
-         réservation des salles de réunion,
-         réservation des numéros pour les « audioconférences »,
-         messagerie instantanée, …

Concrètement, un type dans une entreprise ne pourra pas tout connaître, en plus des applications propres à son métier et des outils bureautiques traditionnels. Ce n’est pas que chaque application soit compliquée en soi mais différents paramètres viennent se greffer. Par exemple, pour la GED, il faut connaître les méthodes d’archivage de l’entreprise et les normes de gestion de la documentation donc les modes de gestion de projet.

Je vais raconter une anecdote personnelle relative à mon travail mais il y a 8 ou 9 ans, donc il y a prescription. J’étais consultant dans une boite et j’avais bien deux métier : le cœur de métier (mon domaine d’expertise) et assister les personnes du service dans l’application de la méthode. A un moment, il me fallait rédiger un cahier des charges pour un fournisseur lui précisant les modifications qu’on voulait qu’on fasse dans son logiciel. Les types en charges des méthodes avaient oublié de définir le document « cahier des charges » ou équivalent.

Aparté : ce n’est pas très grave mais c’est emblématique des 20 dernières années : on croule sous les normes et les méthodes mais l’essentiel, la base de l’informatique, est oublié. La méthode ne concevait pas le document de base pour demander un développement à un fournisseur.

Comme le document « cahier des charges » n’était pas dans la méthode, je ne savais pas où l’archiver dans le système de Gestion Electronique de Documentation. Ce n’est pas grave, mon métier était d’appliquer la méthode. J’ai donc biaisé…

Toujours est-il qu’un ingénieur en informatique qui va rédiger trois cahiers des charges par an ne saura pas utiliser l’application de GED et perdra un temps dingue mais en plus, il ne saura pas comment archiver son document puisque aucune nomenclature standard ne prévoyait un « cahier des charges ».

Ainsi, chaque Intranet aura ses spécificités et l’utilisateur sera perdu.

Reprenons mon exemple. Nous avons trois équipes concernées :
-         celle qui va bâtir une méthode,
-         celle qui va bâtir une méthode ou un plan d’archivage en fonction des méthodes de l’entreprise,
-         celle, a priori un fournisseur extérieur, qui va fournir l’application de GED.

Elles ont construit leurs trucs qui sont tous parfaits mais à aucun moment ils n’ont prévu ce dont avaient besoin les utilisateurs. Un chef a dit : « il nous faut un système de GED, Roger, tu vas t’en charger. » Roger a fait le boulot, consulté les fournisseurs, lancé des appels d’offres et l’entreprise s’est doté d’un système de GED qu’il a été possible d’intégrer à l’intranet.

Personne n’a demandé à l’usager ce dont il avait besoin.

Revenons à nos Réseaux Sociaux d’Entreprise.

Au fur et à mesure de l’évolution de l’informatique, les applications ont été regroupées au sein d’un système unique que les entreprises ont baptisé « RSE » mais qui n’a qu’un vague volet social. Ils sont contents ! Ca envoie automatiquement des mails au chef de service quand le cahier des charges est archivé.

Dans le rapport que je cite, il y a une phrase affreuse, à propos du RSE : « Les succès sont au rendez-vous pour les entreprises qui ont su faire évoluer leurs pratiques et les aligner avec de nouvelles stratégies métiers. » Concrètement, cela veut dire que l’entreprise doit modifier ses méthodes en fonction des outils qui existent. Tant pis si les outils ne sont pas adaptés.

La conception du RSE doit être abordée à l’envers. Il faut voir non pas ce dont l’entreprise à besoin mais ce dont les usagers a besoin. Ce n’est pas un service de GED de déclarer que je n’ai pas besoin de Cahier des Charges. Le RSE, c'est-à-dire l’aboutissement moderne des intranets doit prendre en compte tous les besoins des utilisateurs. Dans le RSE, il doit y avoir un système de recherche. « Hé ho ! J’ai fini mon cahier des charges, qu’est-ce que j’en fais ? » La réponse à la question doit permettre « tout », l’archivage du cahier des charges, sa transmission aux fournisseurs, une notification à la hiérarchie, une information aux collègues (un blog, une communauté, une page, …) et que sais-je encore ?

Le RSE ne doit pas être vu par les entreprises comme une fin en soi mais doit répondre aux besoins et usages des salariés.

Le rapport dit aussi : « La gestion des connaissances, la relation clients ou la collaboration sont des domaines d'applications courants pour les Réseaux sociaux d'entreprise. » Evidemment ! Mais ce ne sont que des applications. Quand je vais jouer à Diamond Dash sur Facebook, je me fous de Facebook. Ce qui importe est Diamond Dash. Facebook n’est qu’un liant. Les applications ci-dessous (comme Diamond Dash) n’ont rien du RSE… La gestion des connaissances, par exemple, peut être une application de GED, tout comme la collaboration.

Enfin : « Les approches usuelles consistant à créer des communautés de pratiques ou des communautés extra-professionnelles fonctionnent mais sont difficiles à généraliser car elles nécessitent de convaincre rapidement une masse critique d'utilisateurs pour générer une valeur créatrice d'adhésion durable. D'autres approches émergent autour de la gestion de la productivité personnelle ; elles visent à créer des bénéfices individuels rapidement en vue d'une mise en réseau dans un second temps. »

La problématique est bien là : obliger l’utilisateur à utiliser un RSE. Néanmoins, si quelqu’un pouvait me traduire cette phrase en Français.

Alors, avant de faire un cahier des charges, je vais faire une expression de besoin : je reçois plein d’informations, je suis perdu, il me faut une plate-forme qui m’aide à gérer tout ça. Je n’ai pas besoin d’une application de GED, j’ai besoin de gérer la documentation. Et j’ai des besoins spécifiques à mon métier que ne peut pas couvrir un outil standard puisque je dois prendre en compte les méthodes de mon entreprise, mes méthodes de travail, les méthodes de travail de mes partenaires (clients et fournisseurs).

Finalement, je me demande si, jusqu’alors, le RSE n’est pas de l’arnaque ?

2 commentaires:

  1. Je pense que tu connais un peu ce truc :

    http://www.youtube.com/watch?v=DvgueBQCb5k

    (oui je sais on te bloque youtube)

    en fait le truc avec les RSE, ce n'est pas de remplacer l'intranet, mais de mettre de l'humain dedans. quand tu sais pas ou mettre le cahier des charge, tu demande a tes collègues (ou a ceux d'autres service de la boite) ou il me mettent.

    Le problème n'est pas tant dans les outils que dans les comportements des utilisateurs. c'est a mon avis ça le plus dur a changer. et puis un réseau social d'entreprise il n'y a pas que de l'informatique dedans, c'est surtout l'affaire d'un service RH et peut être même du CE...

    bref c'est de l'humain

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    1. On est d'accord, mais l'orientation prise par les RSE n'est pas satisfaisante. Les RSE actuels sont faits autour du remplacement de l'intranet, des outils de CRM, ...

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