17 mars 2015

La transformation numérique et les cabinets de conseil

Je suis tombé sur un sondage destiné aux directions « du digital et de l’informatique ». Dès la deuxième question, j’ai abandonné. Elle portait sur les enjeux du traitement de l’information pour l’entreprise. Une vingtaine de points étaient proposés et il fallait choisir les trois prioritaires. Il n’y avait rien au sujet du pognon à gagner, du service rendu et de la qualité de ce service (disponibilité, ergonomie,…). Il y a un certain nombre d’items qu’on ne comprend qu’à moitié. Et alors, me direz-vous ? Le sondage est fait par une société de conseil dans le numérique, la stratégie et tous ces machins. Je suis allé voir leur blog, destiné à des décideurs. Je n’aime pas les cabinets de conseil.

Disons-le : la transformation numérique est mal barrée notamment parce que les réflexions débutent par la technologie, pas par les processus.  

Ainsi, la technologie progresse et le message passé aux entreprises est : allez-y ! Sans évoquer le pourquoi de la chose. L’exemple souvent pris est le cloud computing. Hop ! Cela devient la norme, il faut y aller. Tout d’abord, si le cloud devient la norme, c’est parce que les moyens technologiques évoluent et qu’on peut le faire. Le cloud n’est pas une fin en soi. « Cloud computing » n’est pas la seule expression que l’on retrouve, il y a des machins suspects comme « big data ».

Je vais vous expliquer les big data : les données récoltées dans les machins informatiques sont si importantes que quand vous y cherchez quelque chose, vous ne savez pas quoi. C’est un peu le principe de la science fondamentale. Les lascars ne savent pas ce qu’il cherche, mais ils le trouvent. Prenez Thomas Edison, il n’a pas dit : « je vais inventer la lumière électrique. » Il a dit : « tiens, si je faisais passer du courant dans un filament dans une ampoule vide hermétique, cela pourrait faire de la lumière » en observant que les filaments de bambous jetés au feu qui produisaient de la lumière sans se désintégrer. Vous imaginez un cabinet de conseil dire à un décideur : tiens, il faut que tu fasses du big data, mon cochon ! (ce qui en anglais donne big data, my pig). Prenons un exemple de big data. La RATP et la SNCF ont des caméras de surveillance. Imaginez qu’elles les utilisent pour connaître les trajets faits par les usagers afin d’optimiser le trafic. Vous imaginez la puissance informatique à mettre en œuvre : reconnaissance du visage, quantité d’images à analyser,…  Voilà, vous avez compris le big data. On sait que cela existe, on l’utilise, mais on ne sait pas trop pourquoi et comment. Du coup, il y a tellement de big data qu’il faut les foutre dans le cloud. C’est simple.

Je vais rendre service.

J’ai eu l’idée de chercher « conseil en transformation numérique dans Google. » Je vais traduire quelques phrases au hasard.

« L’environnement digital est en perpétuelle évolution, les canaux d’interaction avec le client se multiplient et les opportunités d’action apparaissent dans des délais très courts. » Comprendre : hé, connard, ton client a un iphone et un smartphone, il faut que tu lui permettes de les utiliser avec tes services et en plus, il faut que tu sois toujours l’innovation.

« Au service de l’optimisation des processus métiers des entreprises, XXX apporte une expertise sur les exigences métiers qui devront être prises en compte dans une démarche de modernisation de l’offre de service par le digital. » Comprendre : on ne connaît pas votre métier mais on peut vous donner une expertise de ses exigences, si, si, je te jure.

A propos d’un dirigeant de cabinet : « Selon lui, la révolution des usages numériques que nous vivons constitue une opportunité unique pour les entreprises les plus visionnaires ; l’heure est au « Social Business » : la combinaison vertueuse des fonctions métiers et IT de l’entreprise. » Comprendre : filez-nous du pognon, on va vous en faire gagner.

Dans un billet intitulé : « La DSI au carrefour de la Transformation Numérique », « Autant de chantiers considérables à adresser, souvent simultanément, par le département IT et les autres métiers de l’entreprise. » Pour ma part, cela fait donc trente ans que je fais de la transformation numérique ? Comprendre : tu vas faire comme avant mais tu appelleras ça de la transformation numérique. Dans le même ordre d’idée : « La force du cabinet réside dans sa connaissance des marchés et des systèmes d'information de ses clients combinée à une expertise forte des nouvelles technologies et des nouveaux usages. » Comprendre : on connaît mieux vos systèmes que vous et en plus on connaît tout.

La « disruption » est à la mode. « Innovation de rupture et Stratégie Digitale: Provoquer l’innovation de rupture qui génèrera vos revenus de demain, définir sa stratégie numérique et démarrer un  nouveau métier. » Comprendre : vous allez changer d’activité grâce à nous et gagner beaucoup d’argent.

Je prends.

« Une communauté d’échanges et de pratique est un regroupement d’individus qui échangent sur une thématique métier commune d’intérêt professionnel. »  Comprendre : les gens qui échangent sont les gens qui échangent et les thématiques métiers sont d’intérêt professionnel.

« Les entreprises de taille intermédiaire doivent anticiper des disruptions, provenant à la fois des petites et des grandes entreprises. »

Celui-là, je vous le laisse.












2 commentaires:

  1. En fait, on va rentrer dans le grand bétisier de la transformation numérique. Tous les con sultants largués vont s'y mettre avec les agences de com et on va tomber en plein digital washing. Tes exemples sont éloquents.

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    1. Ouais. J'ai été consultant pendant 20 ans mais je dois avouer qu'on n'a jamais dépassé ce stade. C'est peut être pour ça qu'on gagnait du pognon.

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