13 mars 2015

Les banques et la transformation numérique

« La Banque va connaître une transformation digitale encore plus violente que la Presse dans les 5 ans à venir. » Voilà ce qu’a entendu l’ami Pierre dans une émission radio animée par Nicolas Doze. La transformation numérique est au cœur d’une série de billets que je fais depuis quelques semaines, souvent basée sur ma propre expérience. Disons-le tout net : je suis au cœur de la transformation machin des banques et ne suis donc pas inquiet pour ma carrière… sauf si mon employeur rate cette transformation.

Je ne vais pas revenir sur la presse et ses mutations liées aux nouvelles technologies, à l’information en continue et le fait qu’imaginer un modèle économique devient de plus en plus difficile : c’est un sujet récurrent dans mon blog politique. Je vais parler de banque.

Un peu de politique, néanmoins, avec deux volets. Le premier est pour vous montrer que je suis sérieux : si les banques perdent des revenus, notamment à cause de la transformation numérique (mais pas que, quand on voit les taux de crédit très bas par rapport « au bon vieux temps »), elle aura du mal à financer les entreprises et les particuliers. L’économie va péricliter et on va tous mourir.

Le deuxième est pour constater que le passage à l’euro n’a pas que des conséquences financières (la crise de la Grèce, l’austérité et tout ça). Quand un particulier (vous et moi) va dans un autre pays de la zone euro, pour le travail ou le boulot, il paye comment ? Par carte… Si vous réfléchissez bien, la carte existait avant l’euro et fonctionnait très bien avant l’euro. La transition s’est faite sans douleur. La Commission Européenne a tapé sur les doigts des réseaux internationaux (essentiellement Visa et Mastercard) pour qu’ils uniformisent les commissions entre les pays de la zone SEPA. Les autorités (la Commission mais aussi la BCE) et les banques (pour résumer) n’ont rien fait pour la carte, le reste étant prioritaire. Parmi le reste, on a eu les espèces, évidemment, mais aussi les virements et les prélèvements. C’est ainsi que les autorités ont retenu quatre modes de paiement dans la zone SEPA. A titre d’exemple, notre bon vieux chèque devrait disparaitre non pas pour des basses raisons qu’on entend parfois mais parce que seuls quatre modes de paiement ont été retenus, dont une invention française, le TIP, qui légèrement transformé devient le prélèvement.

La carte existait déjà.
La BCE a dit aux banques : vous vous démerdez pour que les espèces soient disponibles rapidement (de mémoire, en  six semaines après le 1er janvier 2012, elles ne devaient plus remettre en circulation des billets ou pièces en francs).
La BCE a dit aux banques, aussi : on vous donne une dizaine d’années pour mettre en place les deux autres modes de paiement, le virement et le prélèvement. D’ailleurs, c’est assez récemment qu’on a fêté le remplacement du RIB par l’IBAN qui est à peu près la même chose mais à l’échelon européen. Le but du jeu est que les transferts de fonds et autre paiement n’aient plus de spécificités techniques, financières et commerciales, propres à une zone géographique à l’intérieur de la zone euro.

C’est bien la carte qui m’intéresse mais je vais revenir sur le prélèvement et le virement car mon blog a une haute fonction pédagogique. Le virement : vous dites à votre banque d’envoyer du pognon à un type. Le prélèvement : vous autorisez un type à prélever un montant sur votre compte. Vous saisissez bien la nuance ? Et vous vous rendez compte, déjà, qu’il a fallu une bonne dose de transformation informatique pour ne pas dire numérique.

Pour la carte, rien n’a été fait. Les réseaux internationaux ont assuré le job mais la BCE n’a pas exigé des banques européennes qu’elles créent leur propre réseau, sur le modèle de ce qui existait en France (et presque que en France), avec le groupement d’intérêt économique Cartes Bancaires (le « CB » que vous avez sur votre carte). C’était d’ailleurs un peu contraire au modèle économique de l’Europe : les banques françaises sont associées et pas en concurrence pour la gestion des flux financiers liés à la carte et ce qui va avec : la technique, la sécurité, la réglementation, … Les banques européennes ont fait la bêtise de ne pas avoir la volonté de monter un système ou espéraient se faire de la concurrence.

Toujours est-il que le marché des paiements par carte entre pays européens est passé aux mains de Visa, Mastercard, American Express et autres Diners, UP ou JCB. Pas un seul acteur européen. Pas une seule banque européenne. Des Américains et un peu de Japonais et de Chinois.

Une autre conséquence de Maastricht (je critique Maastricht pour simplifier mais la mondialisation l’imposait, je ne suis pas dans mon blog gauchiste) est la fin des monopoles. Avant vous aviez des clients avec des cartes et des commerçants avec des terminaux de paiement. Ils étaient clients des banques. Maintenant, ils peuvent ne plus l’être. Par exemple, Google se met à émettre des cartes. Ils ont un accord avec un des réseaux internationaux (Mastercard, je crois). Surtout, les commerçants peuvent ne plus passer par des banques pour avoir des terminaux. Evidemment, votre buraliste n’a pas beaucoup d’intérêt. Mais pourquoi le Printemps (je le cite au hasard) n’irait-il pas avoir un accord avec un fournisseur en relation avec un des réseaux ? Et hop ! Plus de commissions à verser à une banque, plus de flux financier qui transite par la banque du commerçant,…

En complément, pourquoi une banque française continuerait-elle à émettre des cartes estampillées « CB » en plus de « Visa » ou « Mastercard » à un client qui va souvent à l’étranger d’autant qu’elles pourraient être traitées directement par « le fournisseur en relation avec un des réseaux » dans les commerces français équipés ?

C’est ainsi que l’on va voir se multiplier les opérateurs de paiement qui proposeront des services aux commerçants entrant directement en concurrence avec les banques et raflant les commissions…  Un des enjeux de la transformation numérique des banques sera de se mettre en position de fournisseur de service de paiement entrant en concurrence avec ces opérateurs.

Tiens ! A propos d’opérateur, on a vu fleurir ceux « d’intermédiation » comme vos opérateurs téléphoniques (ça date du Minitel…) qui mettent sur votre facture de téléphone ce que vous achetez avec votre appareil. Ce qui nous amène à deux choses. Petit 1 : les paiements en ligne qui ne passent pas par les banques (comme Paypal). Petit 2 : le commerce électronique qui se développe avec notamment celui fait auprès des « Store » des Google, Apple et autres Microsoft.

Et je ne parle pas des téléphones avec une puce "NFC" qui permet de payer grâce au sans contact, sans utilisation de votre carte bancaire, facilité par ce dont je parlais plus haut : le "prélèvement". Vous autorisez Apple ou Google à prélever mensuellement un montant sur votre compte bancaire.

Ainsi, le numérique, l’Europe, la mondialisation,… le monde du paiement est bouleversé et ce bouleversement va se poursuivre. Je me limite aux « moyens de paiement » qui sont le cœur de mon métier mais je suppose que tous les domaines de la banque (crédit à la consommation, services aux entreprises,…) sont dans ce cas.


Les banques doivent évoluer pour faire face à ces changement, cette nouvelle concurrence, leur métier qui doit changer : elles ne seront plus uniquement des institutions financières mais aussi des prestataires de service. Ce n’est pas qu’un vaste chantier informatique mais bel et bien une transition numérique avec un changement du cœur de métier en plus de l’utilisation grandissante des nouvelles technologies.

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