La routine s’installe. Tous les matins (ou tous les soirs ou tous les jeudis ou tous les 29 février), le blogueur fait son billet. Ca fait six mois (ou un an ou trois siècles) que ça dure. Le blogueur fait son billet.
Il est content, presque amusé. Il avait créé son blog comme ça, parce que sa belle-sœur (ou son copain de bistro ou sa concierge) en avait un qu’il avait trouvé sympathique. C’était juste pour voir. Il s’est pris au jeu. Il en est amusé car il connaît maintenant une espèce de succès : il a de plus en plus de commentaires, son compteur de visites explose et il vient de rentrer dans le top 1000 des blogs divers chez Wikio.
Il se prend au jeu. Plutôt que de regarder la télé (ou besogner son épouse ou aller au foot), il visite les blogs et rempli le sien.
La routine est là, le succès aussi. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie.
Il est content, presque amusé : le succès est là. Il a juste oublié de prendre du recul, il a juste oublié que le succès est mécanique. Il continue.
Ca y est ! Il vient de dépasser les 200 visites, un de ses billets a été cité par Le Monde, il a eu 45 commentaires sur un billet et Wikio le change de catégorie ! Hop ! En politique ! Directement 120ème.
Alors il continue. Il est amusé. Content. Il installe des widgets, étudie le Google Analytics, met une jolie barrière. Il se lâche. Il ose commenter chez Farid. Il est mis en lien par Detoutderien. Il est dans la blogroll de PMA.
Alors il continue. Il est amusé. Il est persuadé d’être sur la bonne voie.
Il a oublié ou il ne sait pas que le succès est mécanique. Un jour, il ira sur l’annexe de PMA où le taulier donne des « conseils de blogage » et cliquera sur le libellé « conseils de blogage » en bas à gauche. Il tombera sur ce billet. Et il lira, perplexe, « le succès est mécanique ». Perplexe, il retournera sur son blog et relira ses billets depuis le jour où il s’est retrouvé dans le top 1000. Il relira chacun des billets, un par un. Il réfléchira.
Le succès est mécanique.
Le nombre de visiteurs monte : tous les jours, le taulier met des mots dans son blog. Il accumule les mots. Google trouve beaucoup de mots qui lui plaisent.
Le nombre de commentaires augmente : oui, quatre personnes dialoguent chez lui.
Il est cité par le Monde : il faut bien que Le Monde fasse monter l’égo des blogueurs pour récupérer des liens et faire monter son PageRank pour dépasser le Figaro (ça n’est qu’un exemple, bordel, vous fâchez pas) dans les google news.
Son Wikio augmente : le billet où il a raconté la cuite de sa belle mère a plu à cinq blogueurs qui l’ont cité.
Il ose commenter chez Farid : je l’ai fait aussi. Farid ne m’a pas mangé. C’est Ronald qui mange les blogueurs. Et encore ! Seulement les libéraux.
Il est mis en lien par Detoutderien : Gaël est sympathique, il cite tout le monde.
Il est dans la blogroll de PMA : je mets tout le monde dans ma blogroll (comme elle est triée par date, ça me permet de voir rapidement, quand je vais répondre à un commentaire, si un nouveau billet est sorti : je suis un blogueur organisé. Comme ça je suis « prem’s » et le taulier du blog est persuadé que je m’intéresse à lui. Ne le répétez pas).
Alors, notre sympathique blogueur reprendra la lecture de ce billet et relira son blog : sur ses 25 derniers billets, aucun n’est original, aucun n'est exempt de fautes de Français, aucun n’apporte de l’information utile, aucun n'est drôle, aucun n'est émouvant, aucun ne mérite plus qu’un citation dans les conseils de blogage, au chapitre : « Erreur à ne pas faire ».
Dans son illusion de succès, notre blogueur aura été persuadé qu’il est dans la bonne direction, que son blog est bon, qu’il mérite du succès. Il a juste oublié de réfléchir, individuellement, à chacun des billets. Il produit pour produire. Par habitude, par réflexe, par passion mais en oubliant d’avoir un regard critique sur sa propre prose. Il se permettra de donner des conseils de blogage.
« Hé ! Les gars, j’ai découvert un nouveau Widget qui donne en direct la quantité de méthane produite par les vaches à Singapour ». Et il sera repris par son copain blogueur, celui qui lui fait un lien tous les deux jours : « Hé les gars, j’ai découvert chez machin un nouveau Widget… »
Et il aura oublié que tout le monde s’en fout du méthane à Singapour. Je ne sais même pas s’il y a des vaches, là-bas (google me dit que oui : voir l'illustration à gauche, là). Mais il y a sûrement des bons blogs. Il y en a bien 70000 en France.
Bah ça, c'est bien vrai. Ca vexe parfois un peu mais c'est bien vrai...
RépondreSupprimerHomer,
RépondreSupprimerLe but n'est pas de vexer ! Juste de le rappeler aux copains. J'ai moi-même des phases où je ponds des billets la tête dans le guidon, en oubliant qu'ils n'ont aucun intérêt !
Ah oui, ça arrive de s'emballer !
RépondreSupprimerDepuis que je suis à Bruxelles et que l'installation ici, y compris pour de nouvelles habitudes, a nécessité du temps et donc de sortir de cette logique du "je trouve un sujet, je rédige" et bis repetita, je me précipite moins pour bloguer.
De temps en temps, si l'actualité m'arrive de manière à réagir, je m'y mets mais ça devient moins prioritaire, moins proche du centre de mes préoccupations !
Cela dit, tout de même, bloguer et progresser dans les classements, ça a quand même un côté amusant !
:-))
Poirau,
RépondreSupprimerJe suis d'accord : c'est amusant. Mais "Progresser" tout court est bien aussi...
peut-on dire que ce billet est plus intéressant que les autres ?
RépondreSupprimersûrement
car il a la distance que tu te reproches de ne pas avoir assez souvent
allonge-toi sur le divan, mon grand
De toute façon, c'est le royaume de l'illusion. T'es rien sans les autres : t'es rien si les autres ne t'informent pas, t'es rien si les autres te linkent pas, t'es rien si les autres te lisent pas. La seule chose qui est bien, c'est de se rencontrer "en vrai".
RépondreSupprimerT'as raison, ça devient vite juste une mécanique addictive.
Parfois, bloguer comme je pourrais picoler ou jouer au casino ou avaler du valium, ça me donne juste envie de vomir.
Ohlebeaujour,
RépondreSupprimerTu crois que j'en ai besoin ?
Marie Laure,
Tu as peut-être raison, mais cette mécanique addictive ne me dérange pas. Ce qui me dérange, ce sont ses périodes où je publie sans rechercher le moindre niveau de qualité.
"T'es rien sans les autres" : justement, quand tu crées le blog, tu es quelque chose tout seul. C'est une des raisons qui me poussent à créer des blogs : redevenir rien. Mais je suis con : quand je crée un blog, les visiteurs me manquent et je fais des liens sur mes blogs plus connus !
Heu... Bein oui... Certains en doutaient ? Que le succès est mécanique je veux dire...
RépondreSupprimerMlle,
RépondreSupprimerBen ouais. Tous les blogs que je suis connaissent des hauts et des bas liés au fait que les tauliers oublient de se retourner dans une glace périodiquement (et je me compte dans le lot).
n'importe quoi ! je ne cite pas tout le monde ! :)
RépondreSupprimermais c'est vrai que je me fais beaucoup plus plaisir quand je publie moins mais essaie d'écrire des jolies histoires
Surement pas moi ! Je suis la perfection même...
RépondreSupprimer...
(n'importe quoi !!! Affligeante cette nana ! )
Gaël,
RépondreSupprimerNous aussi, ça nous fait plaisir !
Mlle,
Affligeante...
C'est vraiment bien.
RépondreSupprimerMerci !
RépondreSupprimerIl est magnifique ce billet... Un peu mon état d'esprit de ce matin en plus...
RépondreSupprimerBravo.
Merci !
RépondreSupprimerJoli billet sur un "gugusse" que je ne connais pas vraiment mais qui mérite assurément de l'être. Comme il ose commenter chez moi, alors, je dis juste que c'est un gars très courageux et bien sympathique ;-)))
RépondreSupprimerFarid,
RépondreSupprimerQuoi ? Il y a un gugusse qui ose commenter chez toi ?
C'est pour ça qu'au bout d'un moment, ça bloque...
RépondreSupprimerZoridae,
RépondreSupprimerPetit 1 : J'ai dit (je ne sais plus où) que je regrettais votre absence, pas que je ne la comprenais pas !
Petit 2 : C'est aussi bien d'arrêter que de produire des mauvais billets (ça fait chier les copains qui sont obligés de lire et ça fait perdre de l'image).
Petit 3 : La bonne solution, pour des blogs tels que les votres, est peut-être de produire des billets courts quand on n'est pas inspiré (je continue à penser, d'ailleurs, que la fermeture de Quicoulol n'est pas nécessairement une bonne idée, ça permet de se défouler sans être tenu par un niveau de qualité).
C'est bien vrai tout ça. J'ai le sentiment que mes meilleures billets étaient ceux du début...ceux que peu de monde ont lu d'ailleurs.
RépondreSupprimerTim,
RépondreSupprimerOui. Moi aussi. Depuis que je suis bien classé, je me retiens, il n'y a plus de délire comme avant. C'est con : ce sont ces billets délirants qui ont fait mon "succès", c'est à dire mes premières montées au classement.
Voilà un billet intéressant (et un blog qui ne l'est pas moins, que je découvre grâce à Homer). Je ne m'y reconnais nullement : heureusement ? ou alors est-ce grave docteur ? C'est ce qui arrive indubitablement dès qu'on a un peu de succès ? On perd un peu de son âme au profit d'une mécanisation ? que de questions...
RépondreSupprimerNon, on ne perd pas son âme !
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