08 décembre 2010

Ce doux métier d'informaticien

Les chutes de neige m’amènent à évoquer ici le doux métier qui est le mien : responsable d’applications informatiques, métier que personne ne connaît, tous les informaticiens se pensant largement plus compétents que les autres. L’informatique est composée d’un tas de métiers, entre les gens qui développent les logiciels, ceux qui les testent, ceux qui les financent, ceux qui les conçoivent, ceux qui mettent en place les architectures techniques, ceux qui vendent des logiciels, ceux qui exploitent les ordinateurs fonctionnant en temps réel, …

Quand vous consultez vos comptes en banque par Internet, vous ne vous rendez pas compte du bordel qu’il y a derrière. Le type qui développe l’interface du navigateur s’imagine que le type qui gère les bases de données est un nul car il n’a qu’à exploiter Oracle et le  type qui gère les bases de données s’imagine que celui qui développe l’interface du navigateur est nul car n’importe quelle andouille peut maintenant tenir un blog.

Alors au milieu de tout ça, il y a des gugusses comme moi connaissant assez chaque technologie pour faire croire qu'ils sont forts mais pas assez pour mettre en application. On joue un peu au chef d’orchestre entre tous ces braves gens, généralement passionnés par leur boulot.

Pourquoi je parle de chutes de neige pour introduire ce billet… Parce que je me mets à la place de mes homologues de la RATP qui ont constaté un quasi plantage des serveurs web à cause de tous les usagers qui se connectent simultanément.

Je ne sais comment on a su que la situation en Ile de France commençait à devenir délicate mais toujours est-il que je me suis connecté au site de la RATP vers 16 heures. Le machin a bien mis une minute pour m’afficher un écran merdique avec de vagues informations. Mes collègues n’ont pas réussi à se connecter. Quelques minutes après, la RATP a coupé tous les autres services de son site web pour ne laisser qu’une « page propre » avec un état lisible et un peu détaillé de la situation.

Un de mes collègues a alors commencé à gueuler, du style « mais qu’est-ce qu’ils foutent, bordel ? Nous ça ne nous arrive jamais, on met les moyens qu’il faut. »

Je ne vous dirai pas quel est mon boulot mais imaginez nos homologues du contrôle aérien : si leurs ordinateurs se plantent, les braves gens qui approchent de Paris en avion ont quelques soucis à se faire quant à leur santé dans les minutes qui vont suivre.

Ainsi, je suppose que les services de contrôle aérien ont une informatique « en béton » pour empêcher les ordinateurs de tomber en panne sans prévenir (contrairement aux grèves, parfaitement organisées aussi).

Tiens ! Moins grave (et je remets ma casquette de blogueur gauchiste), mais pensez aux ordinateurs des courtiers en bourse et aux milliards que peuvent représenter une perte de service de quelques minutes, voire de quelques secondes. Les ordinateurs se plantent : nos homologues peuvent s’inquiéter pour la poursuite de leur carrière.

Il se trouve que les serveurs de la RATP sont censés donner des informations aux gens (presque en temps réel avec les horaires des bus, je crois). Le gars qui va bouffer en ville regarde son itinéraire et une évaluation de la durée du trajet, voire imprimer un plan du quartier... Cette après-midi, on peut penser que la moitié des salariés d’Ile-de-France ont tenté de savoir s’ils allaient pouvoir rentrer à la maison en même temps…

Plantage.

Alors, j’ai expliqué à mon collègue qu’on gagnait de l’argent avec l’informatique et qu’on risquait de perdre des clients mais que la RATP n’a aucune raison de mettre les mêmes moyens que nous, d’autant que les sites de presse, plus habitués, diffusent la même information en temps réel.

Mais j’ai aussi demandé à mon collègue ce qu’il aurait fait s’il avait eu à prendre la décision de bloquer toutes les fonctions du site pour n’afficher qu’une bête page d’information, en l’absence de sa hiérarchie.

Parce qu’il y a forcément quelqu’un pour prendre la décision… et se faire engueuler. Dans l'informatique, il n'y a pas uniquement des gugusses répétant que les solutions qu'ils préconisent sont les meilleurs..

9 commentaires:

  1. Je n'y connais rien, je ne sais pas ce qu'il eut fallu faire ! Par contre, salarié à Paris et être surpris par le fait qu'il neige ne hiver, ça me fascine toujours. Il y a des formations spécifiques pour ça, non ?
    :-)

    [Anecdote qui n'a rien à voir sauf pour le côté transport. Je cherchais un trajet tout à l'heure et j'étais coincé entre GoogleMap qui ne reconnait pas le bus 43 près de chez moi et le site de la Stib, les transports bruxellois qui fonctionne à la vitesse d'un modem 28 kbits. L'informatique, c'est pas toujours ce qui rend service, c'est parfois ce qui agace ! :-)) ].

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  2. Le coeur sur la main je dis : bravo au plus beau billet de tous les temps. Je chante le vibrant hymne des informaticiens les larmes z'aux yeux.

    Effectivement, un jour normal il faut trois serveurs, un jour de "pic", imprévisible, il faut en cinq fois plus (mettons) pour tenir la charge. Et que fait-on des 12 serveurs restants les 360 autres jours ? On perd des sous à les louer pour rien ? Et bien non moossieur.

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  3. ah, enfin !!! je sais ce que tu fais dans la vie. Il était temps. Ben, c'est pas un vilain métier, pourquoi le cacher depuis si longtemps ? (bon, tu avoueras que c'est pas très loin du Wikio, de là à ce que tu ailles chez Wikileaks...).

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  4. C'est long comme une page de code informatique, mais au moins j'ai compris par-ci par-là quelques trucs.
    Pourquoi faudrait-il louer des serveurs à l'année pour les pics d'utilisation? En cas d'affluence à un buffet, on appelle des extras au téléphone, et ils débarquent dans la demi-heure qui suit…

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  5. Pendant que le site de la RATP est indispo, Wikileaks surf sur la vague avec plus de 1300 mirroirs à l'heure ou j'écris cette phrase :)

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  6. Ah comme j'aime ce lien ! Merci.

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  7. Poireau,

    On n'est pas surpris par la neige, juste par l'ampleur des conséquences...

    Balmeyer,

    Merci. Les gens (y compris les développeurs) ne se rendent pas compte de ce que ça coûte...

    Lucia,

    Je ne cache pas mon métier, juste ma boite dont je ne parle jamais.

    Le Coucou,

    Les loufiats sont bloqués par la neige... en gros.

    Pour répondre plus précisément, ce n'est pas si simple. Un exemple, si l'ordinateur central de ta banque est planté, des "ordinateurs de secours" ne pourront pas avoir accès à "la base de données" et donc à ton compte bancaire.

    En outre, il n'y a pas que le matériel, il y a le logiciel (c'est très long à installer), les liaisons téléphoniques, les outils de surveillance, ... Bref, on sait redémarrer les systèmes ailleurs mais on ne le fait que si la panne est durable (ce qui n'arrive jamais, en fait, il n'y a pas "un" ordinateurs mais plusieurs en parallèle).

    Mr Xhark,

    Oui, mais le patron est en prison : il y a donc bien une faille...

    Yann,

    Vive l'andouille !

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  8. Bizarrement, je vois très bien, mais alors TRES bien, ce que tu fais comme boulot...

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