20 janvier 2012

Téléchargement : l'industrie et le législateur à la ramasse ?

FalconHill et Homer ne décolèrent pas : Mégaupload a été fermé par le FBI. Moi, je m’en fous, je ne télécharge pas ce qui ne m’empêche pas d’être dubitatif sans être pressé pour autant.

On a d’un côté une vaste opération visant à fermer un site qui permettait aux internautes d’échanger des fichiers et de l’autre, dans la poursuite d’Hadopi en France, une évolution de loi Américaine visant à favoriser le flicage du net. Le tout sans prendre en compte l’évolution du marché. Au bord du gouffre, franchissons un grand pas…

Faisons un parallèle honteux avec le code de la route.

La fermeture du site équivaut à fermer une autoroute sur laquelle un type a fait un excès de vitesse au motif que la société d’autoroute gagne des sous en permettant les excès.

Le flicage d’Internet équivaut à place un dispositif électronique couplé au GPS et au GSM pour transmettre notre position en permanence pour s’assurer qu’on en fait aucun excès de vitesse, qu’on respecte bien l’arrêt aux stops (voire au feu rouge, mais il faudrait coupler le système avec des ordinateurs faisant la régulation des feux : attention à ceux qui accélèrent à l’orange…).

Finalement, mon parallèle n’est pas spécialement honteux. Nous avons juste des moyens liberticides et démesurés pour lutter contre des infractions mineures.

Les limitations de vitesse et un minimum de moyens pour s’assurer qu’elles sont respectées sont nécessaires parce qu’en roulant trop vite, on risque de tuer quelqu’un. Pour le téléchargement, le problème est plus compliqué. Ce n’est d’ailleurs pas le téléchargement qui est en cause, mais l’usage d’une « œuvre ».

D’ailleurs, avec son bon billet, Marco m’aide ce matin à balayer le téléchargement. A l’heure où on nous pousse vers le « Cloud Computing » (nos fichiers sont stockés dans des serveurs informatiques et plus en local) et où mon forfait Orange est couplé à une offre de Streaming (via Deezer, je peux écouter tout ce que je veux), la notion de téléchargement ne veut plus dire grand-chose… Si j’achète un morceau de musique avec iTunes pour mon iPhone, il pourra être écouté sur mon iPad… Et si j’écoute un truc avec mon Deezer, je peux très bien l’enregistrer sur mon PC (Vallenain nous dit comment, aujourd’hui) puis (sans doute), le basculer sur l’iPhone…

Ainsi, en 2011, interdire le téléchargement relève de la fumisterie, de la ringardise et j’en passe. C’est techniquement impossible et ça va à l’encontre du progrès. Ainsi, nos politiciens déploient une énergie délirante et des moyens immenses pour lutter contre le courant.

Le téléchargement doit être totalement légalisé.

Quand j’étais bien plus jeune, quand j’achetais un disque, je le disais à mes copains, il me donnait des cassettes et je leur copiais les disques. Tout cela était illégal. C’était du piratage mais ce n’était pas bien méchant. Mes copains n’auraient pas acheté le disque (entre 15 et 20 ans, on n’a pas l’oseille). Ainsi, le « piratage » d’une œuvre de proche en proche n’est pas bien grave, on ne peut pas lutter contre.

D’ailleurs, les gugusses qui ont fermé Megaupload ne se posent pas la question d’interdire la vente de CD vierges (de même qu’il y a trente ans, personne n’a interdit la vente de cassettes vierges alors que tout le monde savait qu’elles étaient majoritairement utilisées pour enregistrer illégalement de la musique). Le problème, avec Internet, c’est que le piratage peut être industrialisé… Un type qui veut acheter un nouvel album aura deux solutions :
-         soit il s’assoit à son bureau et clique pour le télécharger légalement en payant,
-         soit il s’assoit à son bureau et clique pour le télécharger illégalement sans payer.

On ne va pas lui jeter la pierre pour avoir choisi le site gratuit alors que moi-même, quand je récupère de la musique à partir de Deezer, j’ignore si c’est légal ou non.

Nul n’est censé ignoré la loi, peut-être, mais il faudrait arrêter de casser les burnes aux citoyens, par ailleurs contribuables.

Reste le problème de l’usage de l’œuvre

Prenons deux gamins. Savidan et Haka. Savidan a acheté un album de Chantal Goyal et veut en faire profiter Haka. Il charge le fichier sur un serveur de Gularu… De nos trois lascars, lequel a-t-il commis la faute la plus grave, si tant est qu’on pouvait évaluer la gravité d’une faute ? Haka prend un truc qu’on lui offre. Savidan veut faire plaisir à un pote en donnant un truc qui n’est pas à lui. Gularu rend service à des copains, le brave garçon.

Tout cela n’est pas bien grave et on est tous concernés car tous susceptibles de le faire. Mais le seul à avoir commis un l’acte qui me parait illégal est Savidan. Il a « dupliqué l’œuvre ».

Gularu se dit que son truc est bien pratique. Alors il fait de la publicité par le bouche à oreille. Et son truc marche. Alors il se dit qu’il va y diffuser de la publicité. Puis, il a des problèmes d’architecture technique car il a trop d’utilisateurs. Il doit multiplier les serveurs alors il décide de facturer les prestations et d’embaucher du monde pour surveiller les serveurs et l’aide à les maintenir. Puis, il doit s’occuper un peu de commercial et rémunère un gros cabinet de marketing pour cela. Et ça se développe. Puis il pense à ajouter un index et un moteur de recherche pour rendre service aux utilisateurs.

Gularu nous est toujours aussi sympathique, comme au début quand il rendait service à ses copains. Les geeks sont toujours sympathiques.

Un jour, un chanteur célèbre découvre qu’on peut télécharger ses albums gratuitement alors qu’il a du mal à payer les prostituées qu’il s’envoie après les concerts. Mais quel affreux !

Alors il saisit la justice. Et le juge va voir Gularu et lui dit « Hé ho, M’sieur, arrêtez immédiatement vos activités illégales. Vous êtes condamné à payer la consommation de bière du taulier de Partageons l’Addiction pendant un an. »

Une belle histoire (une fiction, hein !), qui finit mal.

Un peu comme celle d’un gamin de 15 ans qui se ferait prendre par la police alors que ça fait un an qu’il gagne un peu d’oseille en vendant des cigarettes de contrebande pour acheter des couches culottes à sa grand-mère qui n’est plus étanche tout en permettant à ses potes d’acheter moins cher leurs cigarettes.

Une autre belle histoire qui finit mal.

Alors, l’avocat de Gularu dit « hého ! Ce n’est pas Gularu qui a mis des œuvres dont il n’est pas propriétaire et en plus, Gularu ne sait même pas ce que les gens partagent, ce sont peut-être leurs photos de vacances. » Alors le procureur dit « Hé ho, mon cochon, non seulement il met un moteur de recherche pour faciliter les gens dans leurs recherches mais en plus il gagne de la pub en sachant très bien que le contenu vendu est illégal, faudrait pas nous prendre pour des couillons. »

Le problème est sans fin. Si le parking d’un supermarché est utilisé pour vendre des voitures volées, le propriétaire du parking peut-il être considéré comme coupable ? Evidemment non…

Je ne sais pas ce que dit le législateur et ce qu’il devrait dire. Visiblement, le législateur Américain est de mauvaise humeur, ces temps-ci… Sur le principe, on pourrait juste dire qu’il ne faut pas gagner d’oseille avec une œuvre qui n’est pas à soi. C’est du vol ou du recel… Cela dit, qui condamner ? Et votre Fournisseur d’Accès Internet ? Il gagne bien de l’oseille avec vos conneries !

Que le législateur se débrouille mais le cœur de métier de Megaupload était bien le transfert illégal de fichiers…

Le législateur a d’autant plus de difficultés que les serveurs ne sont pas nécessairement hébergés dans le pays. Pour contourner ce problème, le législateur français de droite a mis en place l’usine à gaz couteuse et liberticide qu’est Hadopi. Mais, d’une manière générale, les législateurs des différents pays sont tous assez libéraux quand il s’agit de protéger leurs corporations diverses mais assez réactionnaires quand il s’agit, par définition, de lutter contre le progrès, et de verrouiller Internet, pour toutes les raisons que l’on peut imaginer.

C’est pourquoi, il est important de résister…

Le Parti Socialiste envisage de supprimer Hadopi et de mettre en place une licence globale. Pour résumer, l’utilisateur paye une contribution avec son abonnement à Internet et le pognon ainsi collecté serait redistribué « aux industriels » en fonction du nombre de téléchargement opérés. Le téléchargement pourrait donc être totalement libéré, ce qui me parait la meilleure solution.

Charge aux industriels de mettre en place leurs propres usines à gaz pour gagner de l’oseille, comme le fait très bien Apple avec iTunes.

Quand la gauche parle de ça, elle se fait automatiquement taper dessus par la droite… alors que Nicolas Sarkozy « a aussi annoncé que le centre national de la musique serait financé par une taxe sur les abonnements. » Donc une forme de licence globale ? En plus de Hadopi…

Comprenne qui peut…

Pour ce qui me concerne, je suis assez proche de la position du Parti Socialiste (ouf) sur trois points : la suppression d’Hadopi, la libéralisation totale du téléchargement (limitée aux « simples usagers ») et le versement d’une « contribution globale » aux « auteurs » (en fonction d’une estimation du volume de téléchargement). Par contre, je ne suis pas nécessairement d’accord avec la licence globale telle qu’elle est présentée : je ne souhaite pas que la taxation se fasse sur l’abonnement Internet (pour différentes raisons mais directement sur le budget de l’état), quitte – évidemment – à augmenter l’impôt…

Et ensuite ?

Une « licence globale » permettra d’assurer la liberté et la sécurité de l’Internaute. Il n’empêche que l’industrie du disque, du film et du livre (même si l’échéance est moins proche) n’est pas au bout de sa peine : les revenus liés à leurs activités traditionnels vont forcément baisser et ils devront trouver d’autres canaux pour empocher du pognon.

Par exemple, Deezer me permet d’écouter de la musique pour un montant forfaitaire mensuel intégré à mon forfait Orange (je crois que ça représente environ 10 euros par mois). Deezer verse un montant forfaire (de l’ordre de 1,5 centime) par morceau écouté. Ils ont de la marge, je n’écoute pas 667 morceaux par mois… Ca correspond à de nouveaux usages.

Tiens ? Qui est actionnaire de Deezer ? Notamment Orange et … Xavier Niel (le proprio de Free)… Ceux là même qui vous apportent des films par l’ADSL chez vous, en vous les fourguant dans votre abonnement Internet sans vous en donner vraiment le choix.

C’est amusant…

D’un côté, nous avons des états et des industriels qui mettent en place un pataquès juridique et technique pour interdire l’accès à des machins et fliquer des Internautes.

De l’autre côté, nous avons des industriels qui vous refilent sans vous demander votre avis des abonnements où vous avez droit de regarder ou d’écouter un tas de machins tout en versant du pognon aux industriels du paragraphe précédent.

Ces derniers sont complètement à la ramasse.

Par ailleurs, afin de favoriser le libéralisme (ben oui, les libertés de l’internaute), nous mettons toute la diffusion « culturel » sous la responsabilité de quatre ou cinq opérateurs qui réussissent à imposer leurs conditions (souvent pour les intérêts du client final, on l’a vu avec les baisses de tarifs liées à l’arrivée de free mais aussi par le fait de se retrouver avec des dizaines de chaînes de télé à la maison pour un prix, somme toute, dérisoire).

Du coup, je ne sais plus trop bien à quoi servent la licence globale et la lutte contre le piratage… Pour empêcher le téléchargement illégal de machins qui ne seraient jamais achetés, donc pour un téléchargement sans préjudice financier pour l’industriel ? Est-ce bien utile que l’état dépense notre pognon pour ça ?

Mais c’est vrai ! Pour éviter les morts sur les routes, on pourrait aussi brider la vitesse des voitures à 50 km/h. De toute manière, en ville, ça va souvent plus vite en transport en commun.

D’ici à ce qu’Orange se mette lui-même à la production de films !
 

Ils nous fournissent l’Internet, le téléphone, le mobile, la télé, la musique et les films qu’ils produisent eux-mêmes ou pas, le tout dans le cadre de forfaits savamment étudiés. Orange partagera probablement 75% du marché du « réseau » avec Free, dont l’actionnaire principal a fait fortune avec le Minitel (rose) et le Directeur Général est l’ancien patron de TF1 Production.

Les législateurs et industriels qui pâtissent du téléchargement illégal ne seraient-ils pas plus qu’un peu à la ramasse ?

6 commentaires:

  1. Pfff c'est pas toi qui dit qu'il faut des billets courts ^^

    Sinon, je pense qu'on arrête pas l’évolution technologique, surtout pas les politiques, sauf à vivre sous dictature, type Corée du Nord et tout ça...

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  2. C'est tout un système qui est à revoir. La SACEM et autres organismes qui rémunèrent les créateurs ne sont pas adaptés au monde numérique.
    Nos politiques sont eux aussi perdus et quand on voit l'age de notre ministre de la communication, c'est pas étonnant...

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  3. Je suis d'accord avec vous tous : le but d'Hadopi est un simple "flicage" ... les éditeurs de musique n'étaient jamais morts jusqu'ici quand des millions d'auditeurs mettaient une cassette audio dans leur poste, pour enregistrer de la Zic sur Hey ! nergy !...France Miouzic ou Radio-Dindon geuleu-geuleu ! ...
    Qui trop embrasse mal étreint ! ... l'industrie du disque ne se porte ni mieux ni plus mal ! ...Hadopi est un flop pour eux ...

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  4. Je ne suis pas pour la licence globale, car elle imposerait (pour redistribuer les fonds) un organisme de type SACEM, et donc le flicage de ce qui est téléchargé afin de savoir qui sont les ayant-droits à rémunérer.
    Par contre, si les industriels baissaient leurs prix et harmonisaient leurs offres, la plupart des consommateurs préféreraient une offre légal et sécurisée plutôt que du piratage "sauvage".
    Mais tant qu'ils misent sur un système où leurs clients sont vus comme des vaches à lait, il y a peu de chances que la situation s'améliore...

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  5. Il est long ton billet dis donc.

    Tu sais quoi le pire ? C'est qu'avant d'aller me coucher, je ne me souvenais plus que Megaupload avait fermé... (comme quoi j'ai décoléré rapidement).

    Sinon un billet avec une photo de rose entre une de Justin Bieber et une d'un gros monsieur avec un TShirt moche, ça vaut le coup quand meme !!! (il manque quand même une flèche rouge et un graphique pour dire que depuis 5 ans il pleut ^___^)

    Bon weekend Nicolas ^^

    (sinon j'aime bien ta conclusion)

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  6. Je ne sais pas quelle est la solution.
    Une truc m'alarme c'est le peu de rémunération accordé aux artistes (rappelons nous que ce sont eux les crateurs de l'œuvre avant tout !) par le téléchargement légal. Un peu comme si tout le monde avait senti l'oseille à tirer de la musique mais que personne ne pensait qu'il faut aussi nourrir les musiciens. Triste…
    :-)

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