18 mai 2011

Très chère économie du gratuit

En fin de semaine dernière, la plate-forme de blogs blogger, celle que j’utilise et qui est probablement la plus utilisée dans le monde, a connu un gros plantage pendant environ 36 ou 48 heures. Au début, il était très difficile de faire des billets ou des commentaires et, à la fin, c’était quasiment impossible. Quelques billets et quelques commentaires ont disparu, certains sont revenus.

On a évidemment beaucoup discuté entre nous et chacun ont leur point de vue.

Le mien est (sans allusion à Jack Lang) : « bah ! On sait qu’on utilise un machin gratuit sans contrat, ça peut tomber en panne, il n’y a pas mort d’homme. Je préfère que blogger tombe en panne plutôt que l’ordinateur qui régule l’ascenseur chez moi. Néanmoins, la moindre des politesses de blogger aurait été un peu d’information aux utilisateurs, même si, un peu comme à la RATP, ils peuvent difficilement prévoir quand le service reviendra. »

Mais aussi : « bah ! Ca nous a fait des vacances. »

L’économie du gratuit m’a toujours follement amusé. C’est un truc très prisé par les gauchistes qui n’y comprennent pas grand-chose et ne voient notamment pas que la valorisation de société comme Twitter et Facebook et surtout la rémunération des dirigeants viennent de la pure spéculation puisqu’elles se basent sur le montant qu’une société voudra bien payer pour les racheter.

Les mêmes qui vantaient Google, il y a dix ans, la petite société indépendante qui développe des trucs vachement, la honnissent maintenant, ce géant de l’informatique, ce mastodonte côté en bourse. Alors, ils vont nous présenter des petites sociétés méritantes en oubliant que tout ce qu’attend le créateur, c’est de la coller en bourse pour gagner de l’oseille.

N.B. : J’en connais certains, mon résumé ici est une caricature. Ils sont plus gratifiés par le fait de savoir qu’ils ont réussi leur pari que par le montant des actions vendues !

Je me rappelle quand j’avais annoncé (pour rire) le rachat de Wordpress par Microsoft, j’avais vu certaines réactions de blogueurs de gauche qui voulaient immédiatement quitter Wordpress alors qu’ils ne s’étaient jamais posé la question de savoir si Wordpress, par hasard, ne serait pas une immonde machine commerciale comme tous les trucs qui font du gratuit.

Amusant, non ?

Ces partisans du gratuit sont généralement aussi partisans du « libre », qu’ils confondent d’ailleurs probablement à peu près autant que moi. Je suppose néanmoins que les braves gens qui distribuent Firefox gagnent de l’argent.

Alors, nous, on a des plateformes gratuites, on est content, on peut profiter de notre loisir mais il convient de se poser des questions.

Prenez la panne majestueuse de blogger, je suppose que Google, la maison mère, aurait pu concevoir des serveurs qui ne tombent pas en panne. Il y a des systèmes d’information qui ne tombent jamais ou quasiment jamais en panne.

Sinon, j’arrête de prendre l’avion.

Néanmoins, l’architecture technique est extrêmement couteuse : il faut des systèmes de secours, des sauvegardes en continu, des répartitions de flux entre les machines, des bases de données hyper performantes… Et du personnel pour gérer tout ça, des gens disponibles 24h sur 24 pour détecter et réparer les pannes potentielles.

Le coût serait astronomique. J’imagine que c’est de telles raisons qui expliquent le plantage de blogger…

Alter-Oueb revient aussi sur cette nouvelle économie de l’informatique et les conséquences de son évolution. Lisez-le !

20 commentaires:

  1. Merci pour cet article qui a le mérite d'être lucide sur ce que l'on peut attendre d'un service gratuit.

    Google paye déjà des serveurs, de la bande passante et du personnel 24/7 pour faire tourner un service comme Blogger. Ils se rémunèrent simplement sur d'autres de leurs activités.
    Maintenant c'est vrai que, dans la mesure où il s'agit d'une plateforme gratuite, on ne peut pas leur demander d'investir de manière infinie, et soit dit en passant, nul n'est infaillible.

    Le concept de gratuité sur internet est aujourd'hui complètement déformé puisque ce que les internautes consomment à titre gracieux, n'a en général rien de gratuit. Il faut du personnel pour créer tous ces services, il faut effectivement des machines pour les faire tourner, et de la bande passante pour les amener jusqu'à nous.
    Tous les services que l'on utilise gratuitement se financent donc d'une manière ou d'une autre. La pub est un axe fort à ce niveau là. En général, les sociétés qui créent ces services lèvent des fonds pour leur permettre de se développer en attendant de gagner réellement de l'argent. Tout cela est tout ce qu'il y a de plus normal puisqu'une entreprise est là pour gagner de l'argent, pas pour en perdre.

    Là où je corrigerais un tout petit peu, c'est sur le concept d'introduction en bourse et de valorisation. L'introduction en bourse n'est qu'une porte de sortie parmi d'autres pour les investisseurs ayant mis des billes dans la société sur ses premières années. D'autres sorties peuvent être le rachat, effectivement, ou tout simplement une revente des parts détenues par un ou plusieurs investisseurs à des tiers.
    La valorisation de sociétés comme Twitter et Facebook se fait donc sur le prix potentiel auquel elles pourraient être rachetées, mais également sur les revenus générés (je rappelle que Facebook est rentable et approche du milliard de $ de CA), et sur la valeur d'exploitation des données collectées. Toujours sur le cas de Facebook, les données des utilisateurs permettent de dresser des profils précis et donc de proposer de la publicité très ciblée par exemple, qui a donc une forte valeur pour les annonceurs.

    Bref, sur Internet comme ailleurs, rien n'est gratuit, puisque cela requiert du temps de travail. Je pense que le terme de gracieux est plus approprié.

    Je ferai une note un de ces quatre sur la différence entre gratuit et libre.

    Pour Firefox, la fondation Mozilla est en bonne partie financée... par Google ! :o)
    CQFD

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  2. Je trouve ton billet tres interessant. Mon hebergeur est gratuit lui aussi, par contre il me colle de la pub (je n'ai pas l'impression d'en voir sur blogger ?). Personnellement, ca ne me derange pas, c'est du donnant donnant (quoiqu'entre mon trafic et les pubs la redoute qu'ils me collent, je doute que ca leur rapporte. Mais sans doute ca s'equilibre pour eux avec les nombreux clics sur les blogs qui parlent elevage de chattes siamoises).

    C'est vrai qu'il y a un idealisme du gratuit sur internet. A commencer par les blogueurs qui donnent beaucoup de leur temps (quoique sincerement, je n'aurais rien contre gagner de l'argent en bloguant :-). La production issue de nos loisirs est consommee gratuitement par d'autres. Mais vu que globalement les consommateurs sont aussi les producteurs, je suppose que ca se compense (tu as des stats sur les lecteurs de blogs ? Combien sont blogueurs, combien sont simples lecteurs ?)

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  3. "Pour Firefox, la fondation Mozilla est en bonne partie financée... par Google ! :o)
    CQFD "

    Google est client de La fondation Mozilla, et est prêt à payer très chère pour que Firefox embarque le moteur de recherche Google par défaut, nuance. ;)

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  4. Romain,

    Oui, je caricaturais un peu car le thème m'est assez cher. Globalement la valorisation de la société est délirante par rapport au résultat et au CA (et au nombre d'employés et aux investissements).

    Facebook a une valorisation estimée à 50 milliard. Total fait le double. Mais le résultat de Total est trente fois supérieurs.

    (je donne des chiffres estimatifs mais qu'on soit d'un rapport de 1 à 10 ou de 1 à 30 ne change pas grand chose).

    Si Facebook est estimé à 50 milliards, ce n'est pas pour ce qu'il rapporte mais pour ce qu'il est susceptible de rapporter...

    Bombay,

    Blogger ne se fait pas chier à imposer de la pub aux blogueurs. C'est probablement, comme tu dis, car ils ne gagneraient pas assez et feraient chier leurs clients.

    La plupart de mes lecteurs (sur les quatre blogs) sont des blogueurs. Mais je blogue parce que j'aime ça, que d'autres gagnent quelque chose avec ce que j'écris par plaisir ne me dérange pas spécialement.

    Anonyme,

    On se fout des motifs...

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  5. Tout à fait d'accord sur le caractère dérisoire du rapport valo / CA généré / bénéfice net d'une boîte comme FB.

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  6. Romain,

    Et c'est très important pour le blogueur gauchiste : ça nous mène vers une économie du vide, qui ne repose sur rien. Tout le système économique pourrait être foutu en l'air. En quelques jours parce que les valorisations boursières pourraient atterrir brutalement. Ca m'a fait cet effet là l'autre jour, j'en avais fait un papier, suite à un rapport du Sénat américain qui disait que je ne sais plus quel truc était du vent.

    Les "communiquants" sont obligés de conseiller à leurs clients de faire de la publicité dans Facebook (par exemple), c'est leur métier, ils sont payés pour, ils gagnent de la vie ainsi. Mais il se pourrait très bien qu'un jour, quelqu'un constate qu'investir dans de la publicité Facebook ne rapporte aucun chiffre d'affaire.

    En d'autres termes, si j'ai besoin d'un plombier, je demande conseil à ma concierge, je ne vais pas chercher dans Facebook.

    C'est typiquement ce qui pourrait arriver à Twitter, quand je vois l'énergie dépensée par des entreprises qui tentent de magouiller pour que je m'intéresse à eux...

    Tu te rends compte de la crise économique qui s'en suivrait si, un jour, on s'apercevait que la publicité sur Internet n'est pas du tout lue par les Internautes et que ces derniers apprennent à utiliser correctement google pour éviter les résultats sponsorisés...

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  7. Mouais.
    On peut peut-être douter de la pertinence de faire de la pub dans Facebook. Je crois que c'est surtout cher.

    Pour moi le vrai risque est de se retrouver avec des valeurs de ce type qui entrent en bourse (ou LinkedIn ou autres), qui sont survalorisées, que ca finisse par se voir, du coup les investisseurs se désengagent, la valeur baisse, tout le monde y laisse des plumes, d'où prise de conscience et donc retrait des investisseurs des sociétés au business model encore mal défini et frilosité générale de ces acteurs, d'où un ralentissement de l'activité.

    En gros ca s'appellerait une bulle, et je pense qu'à continuer de survaloriser des start-ups à de tels montants alors qu'effectivement elles ne dégagent que peu de résultat net, ca pourrait très bien finir par se produire.
    2001 n'est pourtant pas si loin...

    Par contre, de l'investissement dans la pub, il y en aura toujours. Les annonceurs en ont besoin, que le ROI soit à la hauteur de leurs attentes ou non.

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  8. Je citais la pub à titre d'exemple parce que je ne crois pas à un ROI quelconque sauf pour des boites spécialisées dans la vente sur Internet.

    Pour le reste, on est d'accord.

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  9. je réponds à la va-vite,dans un cyber devant une mousse, pas d'internet sur mon lieu de formation, donc aveugle pendant 3 jours...
    Le monde du libre attire parce qu'il est libre, et pas seulement parce qu'il est gratuit. Il attire parce que la finalité change : une certaine éthique, l'échange, le partage, et que ce sont des communautés relativement indépendantes qui gèrent les projets. Les grands groupes y sont présents et contribuent, plus pour une question d'image que par réelle rentabilité. On ne rase pas gratis, évidemment.
    Quant à Google, je l'ai banni en tant qu'outil parce que j'ignore tout (ou plutôt je n'ignore rien) de ce qu'il fait avec les données qu'il récolte (rien que gmail, brrrr). C'est la plus grosse régie publicitaire du monde, et ça rapporte grassement, sur du vent.
    Allez, à demain.

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  10. C'est pas parce que c'est gratuit qu'il faut en profiter pour faire des commentaires de six pieds de long, bordel ! :-))
    Ce que je n'aime pas dans le gratuit c'est que c'est basé sur le marché publicitaire et que cette logique est donc celle de l'ultra libéralisme (pub = encouragement à la consommation et donc foi en la croissance infinie, …). Sinon, bon c'est pratique pour écrire de longs commentaires ! :-))

    [Je faisais remarquer qu'à ma connaissance le libre n'avait encore rien inventé. Ils ont copié Word parce que c'était devenu un standard et puis d'autres applications, ils aménagent des systèmes d'exploitation qui ressemble beaucoup à ce qui se fait ailleurs. Je m'étonne donc qu'on développe une telle passion pour un domaine si peu génial ! :-)) ]

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  11. Là où je poserai un bémol, c'est l'idée selon laquelle le service Blogger appartenant à Google relèveraient du gratuit.

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  12. @Monsieur Poireau : Mac s'est construit sur une architecture UNIX. Ce type d'architecture existe depuis les années 50.
    Le libre a quand même inspiré pas mal de choses que l'on utilise aujourd'hui, même si maintenant la face émergée de l'Iceberg, ce sont des applications qui essayent de proposer une alternative à des choses propriétaires (OpenOffice, Gimp...).
    Il ne faut pas oublier que les langages web sont pour beaucoup sous licence libre, et que ce sont ces derniers qui sont les plus utilisés (PHP, Python, et aujourd'hui de plus en plus Ruby via le framework Rails).
    Internet n'a pu se développer que parce que les protocoles de communication créés par les universités américaines ont été rendus publics et... libres !

    Là où je mettrai un bémol à ce qu'a dit Marco : c'est vrai que dans le monde du libre il y a une forte dynamique communautaire et de partage, mais le fonctionnement même en communauté a aussi des inconvénients, notamment sur la capacité à sortir vite des fonctionnalités innovantes, en rupture.
    Par ailleurs, se référer à une communauté n'est souvent pas une solution fiable pour une entreprise. Il vaut mieux avoir un interlocuteur unique, identifié.
    Enfin, il y a des entreprises privées qui développent des produits, qu'ils placent sous licence GNU par exemple, pour que d'autres les réexploitent et les fasse évoluer, mais qu'elles revendent avec du service notamment, ce qui leur permet de se financer.

    Dernier point : pub sur internet = ultra-libéralisme. Ca me semble être un raccourci un peu facile. Une entreprise n'est pas là pour perdre de l'argent. Si la pub est un moyen de financement, fair enough. Par ailleurs, les entreprises auront toujours besoin de communiquer pour vendre leurs produits, la pub est un moyen.

    Voilà, désolé pour la longueur du commentaire, mais on ne me fait pas payer au caractère, alors j'en profite !

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  13. Romain : merci !
    La création des universités rendues au domaine public, c'est intéressant. Regardons qui finance ces recherches alors !
    Pour l'histoire de la pub, je garde mon avis, c'est mon droit ! :-))

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  14. Marco,

    A ce soir, donc !

    Denis,

    Je ne paye pas pour avoir mes blogs, c'est donc gratuit et je n'affiche aucune pub sur mon blog.

    Poireau,

    C'est ce que je dénonce dans le billet : c'est ultralibéral et soutenu par l'extrême gauche, dans sa splendeur...


    Romain,

    Pour le libéralisme tu as raison et tort... Effectivement, une entreprise est là pour avoir des recettes. Il n'empêche qu'on entre dans une logique productiviste bien libérale...

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  15. @Monsieur Poireau : mais tu as tout à fait raison. Je ne suis pas là pour te forcer à changer d'avis, juste pour discuter ! :o)

    @Nico : libérale, forcément, toute entreprise est par nature libérale, puisque le libéralisme c'est la liberté d'entreprendre.
    C'est que le concept d'ultra-libéralisme avec lequel j'ai plus de mal car peu clair pour moi, à mon sens galvaudé car ressorti à toutes les sauces (un peu comme le néo-libéralisme, qu'on m'explique la différence...), et surtout porteur de quelque chose de très péjoratif.

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  16. Romain,

    Oui, chacun lui donne la définition qu'il veut, mais le libéralisme a bien un sens usuel dans la langue Française et se rapporte essentiellement à l'économie et au domaine d'intervention de l'état.

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  17. Pour rebondir sur notre discussion, un petit billet sur le sujet des valorisations excessives : http://www.typepad.fr/magazine/2011/05/ne-soufflons-pas-trop-dans-la-bulle-manifeste-pour-un-retour-au-calme.html

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  18. Quand tu colles un lien dans un blog blogger, colle le en HTML : a href...

    avec des jolis &lt et &gt

    hop !

    Je vais lire ça... (j'espère que tu as dit que c'est un blog blogger classé au Wikio et tout ça qui t'a inspiré...)

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  19. Dac, j'y penserai la prochainement fois.
    Malheureusement non, je n'ai pas pensé à te citer dans mon article, mais je peux rajouter une note de lecture en bas d'article... :o)

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  20. Je plaisantais... (je lis plus tard, en fait, trop fouillé pour un vendredi soir).

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La modération des commentaires est activée. Je vous lis, voire vous publie, après la sieste.