Il y a eu, récemment, entre un blogueur, sur son blog, et
moi, sur le mien, et un peu chez
Juju, un lourd débat à propos de la sécurité d’Internet et notamment de
Google. Sur le fond, nous sommes d’accord, c’est sur l’approche que nous
divergeons totalement, ce qui n’est qu’une bricole.
Nous sommes d’accord sur le plus important, je crois :
il faut garantir une totale liberté des internautes (d’un point de vue
technique, sinon, on doit pouvoir mettre en prison ce qui font l’apologie de la
pédophilie, du terrorisme ou d’un tas de machin pas très sympathique) et il
faut protéger l’utilisateur qui, par définition ou presque, ne peut pas
distinguer le « bien » du « mal » n’ayant pas les
compétences.
Je vais donner un exemple. J’ai eu mon premier abonnement
Internet il y a onze ou douze ans. Je connaissais déjà assez bien le bazar
puisque nous avions déjà Internet au bureau. Quelques jours après, mon
opérateur m’a demandé si je voulais créer un site web. Je n’avais aucune
connaissance en HTLM et j’ai cliqué sur « oui ». J’ai juste mis une
photo et ajouté un titre idiot. J’ouvre mon site. Le tiers droit de l’écran
était occupé par un peu de publicité, dont une pour un site porno. J’avoue, j’ai
cliqué. Pas par curiosité, malgré les conneries que je peux dire par ailleurs,
je m’en fous un peu. J’étais juste intrigué par la pub sur MON site.
La page s’affiche et propose directement plusieurs
catégories, dont une « young ». J’ai cliqué, pensant tomber sur des
demoiselles d’une vingtaine d’années. Non. Je suis tombé sur des garçons et des
filles de 12 ou 13 ans, tous à poil. En deux clics, à partir de MON site. J’étais
effaré. Ma réaction a été grotesque, j’ai supprimé mon site (quelques mois plus
tard, j’en créais un vrai, en HTML et tout ça, sur un hébergement que je
payais, avant de vraiment découvrir les blogs, fin 2005).
Ainsi, je m’étais retrouvé très facilement avec des images
pédophiles sur mon PC (je suppose qu’elles sont restées quelques temps
mémorisées dans un « cache », donc j’avais vraiment un « fichier
physique » dans mon PC). J’étais donc probablement dans la plus grande
illégalité sans avoir cherché le mal. Une telle aventure ne pourrait pas
arriver aujourd’hui.
Ne rigolez pas ! Vous pourriez vous mettre, vous aussi,
dans la plus grande illégalité, si votre môme décidé de télécharger
illégalement le prochaine album de Dominique
Darcy.
C’est la loi Hadopi qui veut ça. A ce sujet, j’ai entendu une rumeur (que je contribue à
faire courir), le rapporteur de cette loi lors des débats à l’Assemblée
Nationale serait en passe de devenir le porte parole de Nicolas Sarkozy.
Tomber sur un site pédophile et se placer, pour ça, dans l’illégalité
ne devrait plus être possible, aujourd’hui. Des gens ont bossé pour : des
associations, les fournisseurs d’accès, le législateur, les services de police,
…
La polémique que j’évoquais en introduction de ce billet
portait sur l’usage que peut faire Google des données privées. Je disais que je
m’en foutais que Google dispose de mes données privées, du moment qu’il ne les vende
pas nominativement (et je fais confiance à Google pour ne pas le faire : s’il
le faisait, il se trouverait au centre d’un scandale très nocif à ses intérêts
commerciaux).
Cela dit, je fais confiance aux associations, aux
législateurs et à tous les acteurs internet, nous-mêmes, blogueurs, compris,
pour améliorer la sécurité et offrir, progressivement, toutes les garanties à l’utilisateur.
Il y a une grosse difficulté : Internet est
international et il n’y a pas grand-chose pour agir… Sauf à devoir supporter le
FBI qui ferme Megaupload « brusquement », sans se préoccuper des
utilisateurs, nous autres, qui plus est Français, donc sans aucune raison de
devoir subir les foudres du FBI.
Ma crainte, c’est que les organismes qui interviennent dans
cette histoire, et qui ne sont pas sous mon contrôle, arrivent à établir une
police du net, un flicage permanent et à contrôler ce réseau. On dit par
exemple que les révolutions arabes ont été rendues possibles grâce à Twitter.
Comment pourra s’exercer la démocratie si les autorités maîtrisent le contenu
de Twitter ? Tiens, avec les blogueurs politique, on se demandait
récemment comment faisait Twitter pour fermer les comptes fake de Nicolas
Sarkozy…
Prenons Hadopi. Le but est d’empêcher les gens de faire du
téléchargement illégal. C’est mal. Mais on s’en fout. Le danger viendrait de
serveurs qui permettraient de faire facilement du téléchargement de masse
illégalement, ce qui nuirait réellement à l’intérêt des professionnels. C’était
le cas de Megaupload. RIP. On peut en discuter, ce n’est pas l’objet du billet :
une société a été fermée – dans des conditions qu’on ne peut pas cautionner –
parce qu’elle gagnait de l’argent avec du téléchargement de masse (même si ce n’est
pas son objet initial qui est uniquement le partage de fichiers).
Hadopi a pris le sujet à l’envers et surveille chacun des
internautes. A la limite, je veux bien qu’on surveille que je ne surfe pas sur
des sites pédophiles, non pas parce que c’est immoral mais parce qu’en le
faisant, j’encouragerais des fumiers à faire du mal à des mômes. Mais je ne
veux pas être surveillé parce que je pourrais télécharger un film illégalement
(ce que je ne fais d’ailleurs pas), créant ainsi, aux yeux d’un industriels,
une perte d’argent (alors que je ne suis pas nécessairement prêt à télécharger
un film en payant…).
Ma crainte est qu’en montrant du doigt Google et certains de
ces procédés, on encourage les autorités à agir, on fasse passer un message
auprès du grand public à propos des dangers d’Internet… et qu’on valide
implicitement tous les messages de ces autorités, créatrices d’Hadopi et d’autres
horreurs.
Du coup, un candidat à une Présidentielle va dire « je
vous protège, faites moi confiance,… » et en guise de protection on se
retrouve sous surveillance, comme dans des bonnes vieilles démocraties et leurs
fichiers de police dans tous les coins, au nom de la sécurité des citoyens.
Je ne cherche aucunement à créer une polémique. Je disais
plus haut : « Cela dit, je fais confiance
aux associations, aux législateurs et à tous les acteurs internet, nous-mêmes,
blogueurs, compris, pour améliorer la sécurité et offrir, progressivement,
toutes les garanties à l’utilisateur. » Je continue.
Moi-même, je travaille dans l’informatique de grandes boites
et je vois la manière avec laquelle on travaille, au quotidien, pour assurer la
protection des clients. Pour le bonheur des clients, bien sûr ! Mais
surtout parce que s’il y avait une faille et qu’on était piratés, le scandale
qui s’en suivrait fait qu’on aurait des grandes difficultés à s’en remettre.
Les clients iraient tout simplement voir ailleurs et on serait interdits d’activité
(les copains qui me lisent et qui savent où je bosse
Alors, on bosse. Pas seuls dans notre coin, on ne s’en
sortirait pas et surtout les autorités de tutelles ne nous feraient pas
confiance. On bosse avec les concurrents, avec les organismes internationaux du
secteur, avec les autorités en question (françaises ou européennes), avec les
organismes de normalisation, de notre secteur ou de la sécurité informatique,
avec des organismes de certification qui viennent vérifier qu’on applique bien
les normes, avec des sociétés de conseils qui viennent nous aide, avec des
sociétés d’audit qui viennent nous contrôler, …
Puisque je ne peux pas parler de mon job dans le blog, je
vais prendre un exemple au hasard dans un domaine que je ne connais absolument
pas…
Imaginez que le régulateur de vitesse d’une voiture devienne
fou et qu’une famille se tue. L’affaire fera la une de la presse le lendemain
et le constructeur perdra gros : peut-être un procès avec la famille (mais
c’est une bricole), une perte de confiance des clients, une grosse chute du
chiffre d’affaire, un gros déficit qui le mettra en danger, un écroulement du
cours de la bourse.
Aussi, j’ai tendance à penser que les constructeurs de
voiture travaillent, un peu comme nous, dans notre domaine, à la sécurité
réelle des clients. Ils travaillent avec des autorités (les « mines »
qui certifient les voitures), les concurrents, les sous-traitants, les
organismes de normalisation, …
Quand je prends une voiture de location, je veille à ce qu’elle
dispose d’un régulateur de vitesses, parce que c’est très confortable, c’est
sécuritaire (ça empêche de faire des excès de vitesse par inattention) et… ça
enlève le risque de se faire flashé pour excès de vitesse !
Imaginez qu’après l’accident de voiture en question, un
législateur quelconque se saisisse du dossier et dise : « il faut
protéger l’utilisateur ». Il va donc proposer que le régulateur de vitesse
soit couplé au GPS pour vérifier la vitesse limite mais aussi relié par un
moyen quelconque (3G ?) à des serveurs de sécurité permettant de localiser
les voitures susceptibles d’avoir un incident de régulateur pour déclencher
toutes les actions de sécurisation possible avec intervention de la police,
ouverture des barrières de péage et tout ça…
Au nom de notre sécurité, hein ! Au bout de quelques
temps, les autorités auront les moyens de savoir en permanence où se trouve
chaque véhicule. Et ils vous vendront des avantages collatéraux, comme la lutte
contre le vol des voitures. Ils pourront déclencher des prunes automatiques pour
des petits excès de vitesse.
Sans compter le prix du bazar, outre l’équipement de la
voiture qui sera à la charge du consommateur, le système d’informatique
centralisé sera payé par une taxe sur l’essence et les péages d’autoroute.
Pourtant, quand je prends ma voiture de location en
vérifiant le régulateur de vitesse, je ne pense pas à ça, à tous les efforts
que font les constructeurs pour équiper leurs voitures de machins avec lesquels
je ne risque pas trop de me tuer. Tout au plus, je me réjouis de le voir les
régulateurs largement répandus, ça diminue le prix unitaire et ça améliore la
sécurité de tout le monde.
Quand un usager utilise les moyens que je mets
professionnellement à sa disposition, à peu près quotidiennement, il ne pense
pas aux gens qui travaillent dans l’informatique de la boite à laquelle j’appartiens.
Tout au plus pense-t-il au commercial qu’il rencontre périodiquement et à la
marge que ma boite – ou les concurrents – fait sur son dos.
Moi, locataire de voiture, et l’usager en question ne pense
pas non plus au travail fourni par ses représentants comme les élus, mais aussi
les associations de consommateurs, les bénévoles qui connaissent le sujet et
les blogueurs qui n’aiment pas spécialement les loueurs de voiture, les fabricants
de voiture, mon entreprise et ses concurrents, …
Quand un internaute utilise Google, le moteur de recherche
ou un des produits de cette firme, comme tout autre service sur le web, il ne
pense pas nécessairement à tout ce qu’il y a derrière. Il n’a même pas l’idée
de s’y intéresser, comme je ne m’intéresse pas du tout à la manière dont
fonctionne un régulateur de vitesses…
Juju, dans le commentaire qu’elle laissait dans mon blog, me
disait : « mais tu n’es pas le grand
public. » Certes, j’ai cinq blogs dont quatre très actifs, dont
trois depuis six ans. J’ai cinq comptes Twitter, un compte Facebook (et six
pages, je crois), trois comptes Google+ (ça brouille les pistes) et une page. J’ai
été spécialiste de la sécurité informatique dans un domaine précis et je bosse
plus ou moins dans ce domaine.
Mais en tant que blogueur, j’essaie d’être grand public.
Avez-vous déjà vu un truc vraiment technique dans ce blog ? Mon blog
a-t-il une tronche de blog geek (pourtant, il est dixième, chez Ebuzzing, …) ?
Non. Ca ne m’intéresse pas. Je fais assez de technique dans mon job pour éviter
d’en faire dans mes loisirs…
Quand je publie un truc dans un de mes blogs, quand je
recherche un truc sur le web, quand j’envoie un mail par gmail ou avec une des
messageries attachées à un de mes noms de domaine, déposé chez Google (donc
avec des machins Google Apps), je ne pense pas à ce qu’il y a derrière. Comme
je ne pense pas à mon régulateur de vitesse. Pourtant, je suis un
informaticien, je pourrais comprendre comment ça marche, je pourrais comprendre
les mécanismes de conception et de certification.
Le monde de l’informatique évolue.
Tiens ! Le Cloud va monter en charge. Les fichiers ne
seront plus stockés sur votre PC mais sur un serveur quelque part, plus ou
moins sécurisé. Par exemple, je prends une photo avec mon iPhone. Dès que j’arrive
à la Comète (ou je me connecte en Wifi), la photo part dans « iCloud »
par je ne sais pas quel miracle et je le retrouve dans mon iPad sans rien avoir
demandé.
Ca représente l’avenir, c’est le progrès. Pensez donc, c’est
vachement bien ! Vous avez une idée pour le boulot en rentrant à la
maison, vous modifiez un fichier Word sur votre iPad et vous le retrouvez, le
lendemain, sur votre poste de travail, au bureau, ou chez votre mère en
Bretagne (ou autre !) pendant les week-ends.
Pourtant, c’est vachement dangereux ! Vous ne savez pas
où sont les fichiers, vous ne savez pas si les serveurs sont sécurisés, vous ne
savez pas s’ils sont secourus, vous ne savez pas ce que pourraient faire des
hackers.
J’ai confiance dans les acteurs derrières, j’ai confiance
dans les industriels, j’ai confiance dans les autorités, j’ai confiance dans
les associations de consommateurs, j'ai confiance dans les professionnels de la sécurité informatique, les organismes de certification, de normalisation, les chercheurs, …
J’ai confiance dans les blogueurs vigilants…
"La solution pour éviter que Google vous suive à la trace" :
RépondreSupprimerhttps://www.facebook.com/photo.php?fbid=10150664402604432&set=a.111125914431.94139.110291854431&type=1&theater