Je viens de découvrir un des principaux maux de l'entreprise. Les décisions quant à son organisation sont prises par ceux qui sont le plus à l'aise à l'oral. C'est évident mais les nuisances sont terribles.
Mon raisonnement est tordu mais je suis là pour ça et vous allez comprendre. Il y a deux facettes.
La première est évidente : on passe notre temps en réunions ou en conversations téléphoniques.
La deuxième est tordue : les gens à l'aise à l'oral ne peuvent pas dire que l'écrit n'est pas important, mais ne savent pas le manier, même s'ils ont des qualités littéraires intéressantes. Du coup, ils pondent des pondent des procédures à chier...
Un exemple : on discutait aujourd'hui de la méthode à utiliser pour faire un compte rendu de réunion. Un type m'expliquait comment il faisait. J'étais atterré. Plus exactement, il était atterré par mes réponses. Il relevait toutes les choses importantes qui sont dites et faisait circuler le document auprès des participants pour qu'il puissent le compléter. Je lui ai expliqué que je ne faisais jamais de compte rendu de plus de deux feuillets, le premier étant rempli par le titre, la liste des participants et l'objet. La deuxième contenait un relevé de décisions, les éventuels points de désaccord et les "alertes" éventuelles qu'il convient de transmettre à la hiérarchie.
Il a argumenté.
1. Il est important de noter les avis de chacun en cas de conflit. Je lui ai répondu qu'on s'en fout. On a fait une réunion pour dire des trucs, pas pour les écrire. Les comptes rendus ne sont pas des documents contractuels. Si un type veut que ces propos soient notés, c'est qu'il est mal intentionné. C'est à chacun de prendre des notes et de dire à sa hiérarchie qu'il y a potentiellement un point d'attention.
2. Il me répond que je note quand même les points de désaccord donc ça revient au même. Je lui ai répondu que s'il y avait désaccord, il y a deux solutions possibles. Soit il faut une réunion supplémentaire pour le traiter auquel cas, c'est dans le relevé de décision. Soit il faut le monter d'un niveau hiérarchique, on peut donc mentionner le fait qu'on n'arrive pas à se mettre à d'accord.
3. Il opine et me confirme que le relevé de décisions est important mais qu'il est utile de le compléter d'un plans d'action pour en faire le suivi. Je lui dis que non. S'il y a un plan d'action, il n'est pas du ressort du compte rendu de réunion mais des relations bilatérales entre l'organisateur et les personnes concernées par l'action ou devra être à l'ordre du jour d'une prochaine réunion.
4. Il me dit alors qu'à ce point, le relevé de décisions ne servait plus à rien. Je lui ai dit : si, pour se couvrir si une andouille ne fait pas ce qu'elle a à faire et, surtout, pour qu'on soit bien d'accord sur la compréhension des décisions et pour permettre à chacun de se rappeler ce qu'il a à faire (bis) parce que, bordel, on est humain.
5. Il m'a donc dit que de faire valider le document par tout le monde était important, "alors". Je lui ai dit non. C'est de la paperasserie inutile qui montrerait que la réunion était mal gaulée, les décisions n'ayant pas été bien précisées et validées. Un désaccord peut se gérer autrement et être mis à l'ordre du jour d'une prochaine réunion.
Je résume devant vos yeux ébahis : un compte rendu trop long ne sera pas lu ou fera perdre du temps au lecteur, voire sera source d'imprécisions qui foutront la merde.
Ainsi, des ploucs qui accordent trop d'importance à l'oral vont oublier ce à quoi l'oral sert et vouloir le coucher par écrit.
Je vais donner d'autres exemples. Quand on lance un projet, on va faire des réunions pour décider comment on va travailler. On va donc décider de faire des "comités" (Copil, Copro, Codir, Costrat,...) pour le suivre. Il y a toujours un glandu qui va dire qu'il faut "formaliser" ces réunions et proposer de "standardiser les supports de présentation" et une crevure qui va insister pour avoir des "indicateurs". Les indicateurs seront intégrés aux supports.
Du coup, les réunions n'auront plus d'ordre du jour, les points importants seront traités à la fin quand tout le monde sera fatigué et pressé de finir parce qu'il y a le pot de départ en retraite de la secrétaire. Le chef de projet ou le responsable du bordel sera enfermé par une méthodologie faite par des lascars qui ne pensent qu'à se branler en réunion.
Un type qui fonctionne plus normalement enverra un mail : putain de bordel, l'équipe de machin me signale qu'on a oublié de dire qui doit prévoir le tire-bouchons de secours au cas où un pickpocket me choure le mien pendant mon trajet en métro.
Dans une méthodologie établie par des mecs qui ne pensent qu'à jacter pour montrer qu'ils sont indispensables, jamais ce genre de détail ne serait traité.
Il faut donc que les entreprises se débarrassent de ces jacteux et laisse la place aux écrivaillons. Et surtout, laissent les coordinateurs de projets utiliser leurs propres méthodes parce que leurs méthodes sont établies par des gens qui ont discuté oralement sans penser au vrai rôle de l'écrit.
Il me reste deux exemples.
Le suivant : je travaille dans l'informatique mais je suppose que c'est pareil dans tous les domaines. Je vous assure qu'il m'est arrivé de faire en 30 pages des documents (spécifications, cahier des charges,...) alors que d'autres, qui respectent des méthodologies, en mettent 200. Il m'arrive de gonfler des documents avec des annexes inutiles pour faire sérieux.
Les informations importantes sont-elles plus facilement détectables dans un document de 30 pages que dans un document de 200 pages ? Un lecteur comprendra-t-il plus facilement l'intégralité d'un document de 30 pages que d'un de 200 ?
Je m'explique. Un document de conception détaillée (par exemple) aura généralement une "section 1.1" intitulé "contexte du projet". Des clowns, en réunion, auront décidé que décrire le contexte du projet est indispensable parce qu'ils n'ont pas consulté le lecteur potentiel qui aurait pu dire qu'il n'en a rien à cirer. Du coup, le rédacteur perdra du temps à remplir la section et oubliera de faire un document compréhensible.
Ils appellent ça "des méthodes". Laissez donc faire les gens qui ont à écrire ou à lire des documents !
Cela étant, le blogueur oubliera souvent de faire court.
Me reste le dernier exemple. Vous devez aller en réunion à Châteauroux. La logique voudrait que vous envoyiez un mail à la secrétaire : "hé, ma poule, tu peux me réserver un billet pour tel train."
Non ! Les gens qui définissent les méthodes de gestion vont vous conseiller d'aller voir la secrétaire au nom des relations humaines et de la nécessaire convivialité. Du coup, vous allez perdre 10 minutes parce qu'il faudra bien papoter un peu et vous allez déranger la secrétaire (pardon, l'assistante de direction) alors qu'elle aura un truc urgent à faire. Du coup (bis), elle aura mal noté vos horaires sur un post it qu'elle oubliera sur un coin de son bureau.
Pour la deuxième fois devant vos yeux toujours aussi ébahis, je vais résumer ce billet.
Chères entreprises et employeurs, arrêtez d'appliquer des méthodes, consignes,... prévues par des gens qui aiment s'écouter en réunion, ils auront toujours plus de poids que ceux qui veulent l'efficacité.
Je trouve que ce compte-rendu manque sérieusement de formalisation. D'un autre côté, il y a bien un relevé de conclusion alors...
RépondreSupprimerDe décision! Pas de conclusion.
RépondreSupprimerArf... (oui, je suis en retard, les petits-enfants, Tarnac, tout çà...)
RépondreSupprimerTu as tout-à-fait raison. Formaliser un débat avant même sa tenue, c'est le tuer. Formaliser "les minutes" après, sauf si le contenu même des mots exprimés au cours de la discussion (cas d'un procès d'Assises) a réellement de l'importance, c'est de la perte de temps.
Une réunion, cela tient en deux, voire trois pages de résumé, et surtout de décisions. Ou en une demi-page, parce que les décisions seront prises à la prochaine réunion.
On est d'accord !
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