05 mai 2015

L'informaticien con [au bistro !]

Ca faisait quelques temps que je les ai repérés, ces clowns qui fréquentent le même bistro que moi, Le Tourbillon, à La Défense, au comptoir, le soir ou le midi. Je dois avouer que j’y vais pour me couper du monde du travail, je plonge dans mon iPhone en mangeant un sandwich ou un plat du jour, voire une omelette les jours de fête. Alors le processus a duré plus d’un an. J’ai capté quelques mots de phrase et j’ai deviné qu’une grande partie bosse dans l’informatique voire sont consultants, comme je l’ai été pendant vingt ans, donc huit ans, développeur ou chef de projet, comme eux. Cela me faisait rigoler car nous employions le même jargon.

Alors, j’ai fini par repérer les groupes, les boites,… Par exemple, il y en a beaucoup chez Dexia, dont le siège est juste à côté mais je n’y prête une oreille attentive que depuis quelques mois. Je ne le fais pas par curiosité : ils parlent très fort et n’arrêtent pas de gueuler.

Hier midi, mes voisins étaient des « ingénieurs Citrix ». Je connais un peu Citrix mais j’ignorais qu’il y avait des « ingénieurs Citrix ». C’est une boite qui fait un tas de truc dont des applications qui permettent d’utiliser des logiciels installés sur des serveurs comme s’ils étaient sur votre propre poste. C’est très bien, c’est à la mode et 99% des grosses boites utilisent ces machins. Toujours est-il qu’ils ne se rendent même pas compte, qu’en se qualifiant ainsi, ils se dévalorisent. « Moi, je suis ingénieur Citrix. » « Non, toi, connard, tu paramètres des applications et te rend indispensable au fonctionnement de la boîte alors ton patron, pour te faire plaisir, te donne un titre. » Ingénieur Citrix.

Aujourd’hui, j’avais droit à d’autres lascars qui ne comprennent même pas qu’ils passent pour des ânes. L’informaticien est comme ça : il est toujours le meilleur dans son rôle sans même admettre que les autres rôles sont autant voire plus importants que le sien. Tiens ! L’ingénieur Citrix ! Sans lui les applications conçues par d’autres ne fonctionneraient. C’est pourtant assez simple d’admettre que sans les applications des autres, ses compétences Citrix ne serviraient à rien.

S’il est meilleur que tout le monde, il l’est surtout que ses clients, sa hiérarchie, ses commerciaux. Alors, quand il est au bistro, avec ses collègues, il n’arrête pas de ronchonner, de critiquer tout le monde, sauf son collègue. Dans chaque groupe, il y en a un qui parle plus fort que les autres. Du coup, ces derniers sont obligés d’hausser le ton pour en placer une. C’est pour cela que je les ai repérés et je sais même pourquoi je ne les ai pas repéré auparavant : le serveur a changé. Ces lascars ne venaient pas dans mon coin de comptoir.

Comme ils parlent fort, outre le fait que c’est désagréable, on a l’impression qu’ils commencent à être saoul, comme s’ils avaient déjà bu cinq ou six bières, ce moment précis (variable selon les individus) où l’on se rend bien compte qu’on commence à avoir trop bu mais à vouloir résister, faire semblant,…

Alors j’ai vérifié : je me suis pointé, une fois, plus tôt que d’habitude : l’informaticien con et prétentieux parle fort dès qu’il arrive au comptoir, à la première gorgée de bière. Il a des vérités à dire à ses collègues.

Le moment le plus délirant est quand ils commencent à parler de leur propre carrière. Par exemple, l’ingénieur Citrix sait que son boulot est porteur mais ne se rend pas compte qu’il s’enferme dans une technologie. Il faut être franchement taré pour développer ses compétences dans un domaine précis : le gars va poursuivre les missions dans ce domaine, il sera très demandé, bien payé,… et au bout de dix ans, la technologie aura disparu et il n’aura rien vu ! Pire, il aura échappé au marché, un peu comme un développeur web qui aurait loupé le HTML5 pour ses nouvelles applications (je prends cet exemple en connaissance de cause… : dans mes fonctions de maîtrise d’ouvrage, j’ai fait la même bourde).

Alors il est aigri. Les jeunes ne savent pas travailler. Les vieux sont has been. Les autres sont des cons. Si vous travaillez dans l’informatique – mais je suppose que dans les autres secteurs, ce n’est pas très éloigné, vous pouvez regarder autour de vous et observer vos collègues. Les pires sont les consultants et autres prestataires de service. Ils sont persuadés être là pour leurs compétences supérieure mais se refusent à comprendre que ces compétences sont dans un domaine précis pas sur le principe de base du métier…

La conséquence est qu’il est incapable de se remettre en cause. Et c’est la plus grave : l’informaticien est lui-même un frein à la transformation numérique.


7 commentaires:

  1. Ouf ! Je ne suis que apprenant codeur...

    ;-)

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  2. "Ingénieur Citrix" ? Je ne savais même pas que ça existait. C'est ridicule, c'est comme si tu disais à ton assistante qu'elle est "technicienne Word". C'est très dévalorisant de se présenter comme mono-technologie, ils devraient plutôt se dire "ingénieur virtualisation", ça c'est un vrai métier.

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  3. En te lisant, je me demande bien si informaticien est en fait encore un métier ! les outils de dév sont tellement aisés aussi à utiliser et puissants..

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    1. Si, c'est un métier mais avec des tonnes de composants. Les outils sont aisés mais il faut du monde pour les développer, pour tenir les architectures techniques,...

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  4. L'ingénieur Citrix est un con, il me demande mon mot de passe trop souvent.

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