01 juin 2012

Mails professionnels : quelques conseils

L’excellent (bien légèrement chargé pondéralement) décrit, dans son dernier billet, les différents types de mails professionnels que l’on peut recevoir en entreprise. Lisez-le. Pour rendre service, je vais lui répondre par une série de conseils. Ne me remerciez pas.


Le mail long

Les mails trop longs ne sont pas lus. C’est pareil pour beaucoup de documents d’ailleurs. Assurez-vous que lorsque vous envoyez un mail, le ou les destinataires puissent arriver jusqu’à la signature en ayant pris soin qu’ils puissent juger de l’importance des informations données.

Si vous donnez beaucoup d’informations, mettez-les après la signature. Exemple : « Bonjour, Vous trouvez ci-après le compte rendu de notre réunion à propos de l’acheminement des bières vers le Kremlin-Bicêtre. J’attire votre attention sur le fait que si le plan d’action décrit à la fin n’est pas respecté, nous risquons un grave problème d’acheminement. Cordialement, Nicolas. » et après vous mettez le compte rendu.

Le mail avec des pièces jointes

Quand les pièces jointes sont importantes, il faut évidemment les joindre (mais voir la section avec « plein de destinataires », elles ne seront pas lues). Si vous en envoyez, précisez bien pourquoi (j’allais écrire précisez précisément), sinon elles s’entasseront sans être ouvertes. Exemple : « Bonjour, vous trouverez ci-joint la cahier des charges pour les camions de transport de bière que nous devons commander pour éviter la pénurie dans le nord-ouest Val-de-Marne. Nous devons l’envoyer aux fournisseurs pour le 24. Nous pourrons l’étudier au cours de la réunion du 18 à 14 heures en salle R301. Il serait souhaitable que vous nous fassiez parvenir vos remarques avant. Cordialement, Nicolas. »

Par ailleurs, il faut scrupuleusement éviter de générer des documents qui auront pour seul but d’être des pièces jointes à des mails. Par exemple, dans la section précédente, j’évoquais un mail pour transmettre un compte rendu : le compte rendu sera très bien dans le corps du message.

Vous vous demandez pourquoi ? C’est un signe d’efficacité. Votre boulot, en l’occurrence, n’est pas de faire des documents mais de diffuser de l’information. En outre, les comptes rendus papiers sont issus d’une autre époque, avant que l’utilisation de la messagerie se développe. A l’époque, on recevait les comptes rendus par courrier (au début du mail, on les imprimait), on faisait des trous de dans, on les rangeait dans un classeur et on notait la date de la réception dans un registre géré par la secrétaire du Directeur. Les temps changent, ne gardons pas les vieilles pratiques. Dans quelques années, les comptes rendus seront dans des intranet de type « réseau social perfectionné ».

Le mail d’engueulade

Je suis presque un expert. Il s’agit d’envoyer chier ou d’engueuler un interlocuteur tout en restant parfaitement poli, en faisant croire que vous restiez attentionné,… Je vais citer deux exemples.

Pas plus tard qu’hier, un chef de projet de mon équipe a reçu un mail du service qualité qui le relançait car il n’avait pas fait son « reporting ». J’étais en copie, je lui ai proposé de répondre à sa place. Il faut dire que j’avais peur qu’il réponde « Tu nous casses les couilles. » ce en quoi il aurait parfaitement eu raison mais ça ne se dit pas. L’autre aurait fait suivre à sa hiérarchie et ça aurait un pataquès.

J’ai répondu : « Bonjour Roger, Notre projet a pris un important retard et il faut absolument qu’il soit terminé pour le 15 juillet. » Ceci est la stricte vérité. Le projet n’est pas très important par lui-même mais il aurait pu en bloquer un beaucoup plus important. C’est un peu comme si nous étions responsables des poignées de porte chez un constructeur automobile. Ce n’est pas le plus important dans une voiture mais on ne peut pas vendre de voiture sans poignée. Les clients se tournent vers la concurrence, vous être la risée et votre image se dégrade. Il faut mettre les ouvriers en chômage technique, … On ne pense jamais à ces détails…

Je reprends « Bonjour Roger, Notre projet a pris un important retard et il faut absolument qu’il soit terminé pour le 15 juillet, les conséquences seraient trop grave. Ainsi, sur demande de la Direction, nous travaillons dorénavant en mode Task Force, aussi le reporting est opéré au cours de réunions hebdomadaires. Nous reprendrons la gestion normale dès le 15 juillet. » Avouez que ça signifie parfaitement « Tu nous casses les couilles ». Surtout qu’après le 15 juillet, il n’y a plus personne, ça veut donc dire qu’on reprendra en septembre. Le destinataire va remarquer que ce n’est pas le destinataire initiale qui répond, il va donc croire que je suis son supérieur hiérarchique et noter dans un coin qu’il risque d’avoir des emmerdes s’il continue à nous les casser les burnes.

Autre exemple. Un fournisseur a fait une grosse bévue. Pour reprendre mon exemple précédent, c’est un peu comme si le fournisseur des ressorts avait livré les ressorts dans des emballage de la même couleur que d’autres utilisés par les chaînes de montage de voitures, ce qui aurait impliqué des erreurs de montage qui auraient été découvertes par les clients par hasard, en ne pouvant plus fermer leurs portières… Il aurait suffit qu’il envoie un mail : « puis-je mettre les ressorts dans des boites bleues ? » pour éviter le pire

N.B. : Pour information, nous avons réellement découvert l’erreur totalement par hasard, nous avons frôlé la catastrophe de très près.

« Bonjour Maurice, Il ne s’agit pas, pour nous, de trouver un responsable, vous êtes notre fournisseur et c’est nous qui sommes responsables devant le client. De toute manière, votre décision n’est pas conforme à notre cahier des charges initial, transmis en mai 2009. Quelles que soient les décisions prises ensuite aux différentes étapes du projet, avant de procéder à la modification, vous auriez du nous consulter. Les conséquences pour le client auraient été dramatiques [insérer le coup des poignées de porte]. Il s’agit pour nous de vous faire prendre conscience que le plus grand soin doit être pris dans la finalisation de ce projet [un petit couplet : il ne s’agit pas de la couleur d’une boîte mais de la mise au chômage technique des ouvriers des chaînes de fabrication]. Cordialement, Nicolas »

Ce qui veut dire : « Hé ! Espèce de connard, tu vas arrêter de nous casser les couilles et te concentrer pour que tout marche bien sinon j’envoie une copie de ce mail à ton chef. En outre, quelles que soient les conséquences, tu sais très bien qu’on a toutes les preuves que tu es coupable, compte sur nous pour le faire savoir. Alors ferme ta gueule et mets toi au boulot correctement. Tu n’as plus droit à une autre erreur, trou du cul, sinon j’appelle ton patron et tu es licencié pour faute grave. » Mais je suis resté poli !

Et je suis assuré qu’il aura bien compris ainsi !

14 commentaires:

  1. A propos de la lecture des mails, il n'est pas un peu long, ton billet !!?

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  2. Je pense que ce billet mérite un CR à insérer dans un classeur du directeur. Je vais y réfléchir.

    Bizarrement, il devient important parfois d'être plus inefficace qu'efficace pour éviter de prendre des risques surtout dans des sujets foireux. Tes conseils sont justes mais trop efficaces, le niveau du dessus pour le Jedi de l'organisation inefficace serait d'arriver à anesthésier des sujets tout en donnant une impression de rendu et d'engagement.

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    1. Pas d'accord ! J'ai encore d'autres conseils à donner pour favoriser l'efficacité.

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  3. L'efficacité est contraire au principe de prudence et aux risques sociaux, pénaux, légaux. J'en veux pour preuve les démarches ISOs et les questionnaires Sarbane Oxley qui sont à pisser de rire si on prend un peu de distance par rapport au sujet.

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    1. On est à peu près d'accord (je ne connais pas les questionnaires mais fus un pro des démarche ISO dans plusieurs domaines). Mais l'efficacité n'interdit pas la prudence. Surtout, l'efficacité n'empêche pas de respecter scrupuleusement des méthodes.

      Dans un de mes exemples, je cite le cas du reporting dont je m'assois dessus. Je risque de me faire engueuler, voire de subir un contrecoup dans ma carrière professionnelle... Mais si j'avais demandé à mes troupes - en cette période tendue uniquement - de respecter le reporting et d'y consacrer du temps, c'est tout le projet qui aurait été foutu en l'air ! Ce n'était pas un risque que je prenais : j'étais sûr que ma carrière professionnelle s'arrêtait (ou du moins celle de ma hiérarchie).

      En étant efficace, j'ai été drôlement prudent ! Et, dans le mail, je n'ai pas envoyé chier le gugusse, je lui ai fait porter la responsabilité d'un de mes échecs putatifs si je respectais ses consignes.

      Dans mon dernier exemple, j'engueule un fournisseur (poliment) : c'est bien lui qui n'a pas fait preuve d'efficacité en ne respectant pas une méthode de travail et en ne nous contactons pas.

      Par ailleurs, les gens qui pondent des méthodes sont complètement à la ramasse, tout le monde le sais et tu le signales, mais ils le sont aussi pour ce qui concerne les nouvelles technologies, la montée en charge des réseaux sociaux, des serveurs de partage des documents, des applications qui permettent le reporting, ... Application d'ailleurs souvent à la ramasse et bien éloignées des habitudes des gens.

      Ainsi, seul le mail est universel. Il doit être efficace. Ce qui n'empêche pas une certaine prudence.

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  4. Tes deux mails ont été efficaces, c'est clair. Utilisé par un maître Twittos, comme toi, l'email est efficace, c'est sûr. Mais le problème, ce sont tous les gugusses qui ne savent pas communiquer efficacement par écrit et qui envoient des emails peu efficaces, du coup, tout le monde peut perdre en inefficacité. Je le dis d'autant plus que je trouve que tous les boulots commencent maintenant à ressembler à des journées où l'on passe son temps à répondre ou envoyer des mails. Le plus pervers étant le Forward. Des gens maintenant forwardent des trucs qu'ils n'ont même pas regardés ! C'est à celui qui forwarde le plus pour prouver qu'il est vachement informé.

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    1. Faut pas désespérer. Je bosse dans un domaine où on utilise la messagerie depuis 15 ans. Les gens apprennent mais ça met du temps. À partir d'un certain temps, ils deviennent victimes d'autres gugusses qui ont les mêmes pratiques qu'eux.

      Par ailleurs, les gens se font progressivement confiance et apprennent à se pratiquer. Par exemple, mon chef sait que s'il reçoit un mail de ma part, c'est que c'est important (sauf trucs de routine comme les cr de réunion). Autre exemple : un collègue me met en copie de tout ce qu'il envoie pour que je sois en copie des réponses qui lui sont faites, mais me préviens quand il m'envoie un truc important. Ça me permet de ne pas lire la plupart de ses mails (ou de les lire plus tard).

      Il n'y a aucun accord entre nous, on a appris à ce connaître. D'une manière générale, personne de direction n'envoie un mail à un autre de la direction qui ne soit pas important.

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  5. C'est vrai qu'on est noyé sous les mails, il faut aussi apprendre à créer des règles de réception et utiliser les couleurs, indicateur et autres aperçus.
    Perso je lis rapidement l'aperçu puis je laisse en non-ouvert ce qui nécessite que je m'en occupe plus tard.
    Et je jette beaucoup ! Si c'est vraiment important, çà reviendra bien à un moment donné ;)

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    1. Chacun sa méthode ! Moi je m'arrange pour traiter de suite pour ne pas oublier (quitte à expliquer à l'expediteur qu'il n'hésite pas à me relancer).

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  6. Je pense qu'on est overmailé, il faut faire des choix maintenant : tout ouvrir et perdre son temps ou prendre le risque de faire des impasses

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    1. Il faut tout ouvrir mais pas spécialement tout lire.

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  7. pierre danet et jegoun s'envoient donc des mails publics
    des commentaires quoi :)

    @unouveaucompte

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