13 juillet 2014

L'informatique à l'école

Benoît Hamon a annoncé différentes mesures pour l'informatique à l'école, comme l'apprentissage du code informatique à l'école, et je l'évoque dans mon billet politique du jour. J'y suis opposé. René Paul Henri me qualifie de « rétrograde » et Suzanne vient un peu à mon secours en rappelant des échecs de différents plans et en insistant sur le fait qu'il faille d'abord éduquer les enfants à l'apprentissage de l'outil informatique, en commençant par la dactylo.

J'aurais pu leur répondre longuement dans les commentaires mais quand on a l'occasion de faire un billet de blog, on s'y jette !

Tout d'abord, une des erreurs qui sont faites par la plupart des adultes y compris le personnel politique est de se baser sur ses propres connaissances pour définir ce qu'est l'informatique, voire le métier d'informaticien que l'on qualifie comme le métier d'avenir, celui qui permettra à la France de s'en sortir... et comme ce qui semble le plus évident dans ce métier est « la programmation », on en vient à des âneries comme la nécessité d'apprendre « le code informatique » à l'école.

Je le remarque également à mon boulot, alors que je bosse au sein d'une DSI, au sein de personnes parfaitement compétentes mais souvent incapables de voir au delà des technologies qu'ils connaissent, de ce qu'ils ont appris, du travail qu'ils ont à mettre en œuvre. J'ai déjà raconté cette anecdote : vers 2004, je suis arrivé dans un service où une personne était en charge des statistiques. Il recevait des paquets de listing et passait environ trois semaines à en faire des récapitulatifs. J'ai envoyé un mail à la personne qui produisait les listings. Je lui ai demandé s'il pouvait me les envoyer sous forme de fichiers informatiques. Elle l'a fait. J'ai incorporé les fichiers dans Excel et le temps de me lancer, en quelques mois, je faisais le même boulot que mon collègue en cinquante minutes. En changeant les outils, j'avais divisé environ par 100 un temps de traitement. Pour des aspects sociaux, on n'avait pas dit à mon collègue qu'il ne servait plus à rien, on avait donc continué à lui faire sortir les statistiques officielles, celles présentées au conseil de direction, mais on avait commencé à utiliser les miennes pour améliorer le fonctionnement de nos systèmes.

Après quelques temps, j'avais été voir le directeur. Je lui avais dit : « dis donc, ça commence à me casser les burnes, de perdre 50 minutes par mois à croiser des chiffres dans Excel, tu ne pourrais pas me prendre un stagiaire pendant deux ou trois mois pour développer des macros pour automatiser tout ça ? » Je me suis alors rendu compte de deux choses : la première est qu'il ne savait pas qu'on puisse faire des macros dans Excel (tiens, si tu ne sais pas non plus, je vais t'expliquer : dans Excel on peut faire des programmes informatiques, du code, comme on dit, pour automatiser des traitements), la deuxième est qu'il ne pouvait pas imaginer qu'un lascar comme moi qui connaissais assez bien Excel ne pouvait pas le connaître au point de ne pas savoir faire de la programmation avec.

Je vais raconter une deuxième anecdote. Nos logiciels sont installés en France mais aussi dans des patelins comme Monaco où nous avons des filiales. Monaco n'est pas la France. C'est un autre pays. En informatique, les pays sont identifiés par des « codes pays ». Récemment, un jeune collègue avec 7 ou 8 ans d'expérience vient me demander où il pouvait trouver le code pays de Monaco, à qui il pouvait demander,... En fait, il espérait probablement que je le connaisse par cœur, ce qui n'est pas le cas. J'ai pris mon navigateur, j'ai tourné mon écran vers lui et je lui ai dit « regarde comment on fait des recherches pour le travail ». J'ai lancé Google, j'ai tapé « code pays iso monaco » et la réponse est arrivée en trois secondes (le temps de voir où Google l'avait affichée).

Ce type, par ailleurs, ingénieur en informatique, n'avait pas pensé à utilisé Google pour avoir une réponse dans le cadre professionnel.

Pourquoi je vous raconte toutes ces histoires ? Parce que l'on voit que des professionnels de l'informatique (un vieux développeur, un directeur de service, un jeune ingénieur,... et je pourrais multiplier) n'ont pas l'esprit assez ouvert pour imaginer ce que l'on pourrait faire de ce bazar...

Or, ce sont à peu près les mêmes qui font des programmes scolaires et qui vont développer des plans pour permettre à des gamins d'apprendre l'informatique, le tout enseigné par des gens qui n'ont pas les compétences (ce n'est pas une critique, on ne peut pas être bon partout),... Après échec, le tout sera moqué par des lascars qui se croient plus intelligents que tout le monde, sur le mode : « ah ah ah, le plan informatique pour tous ! ».

Pour apprendre à taper sur un clavier, il faut un prof de dactylo, pas un prof d'informatique, pas un instit. Pour apprendre à taper un texte cohérent, il faut un prof de français, pas un prof de sciences doué pour l'informatique. Pour décider quelles technologies enseigner à l'école, il ne faut pas un lascar qui reproduise ce qu'il a lui même appris quand il était en fac.

Il y a cinq ans, est-ce qu'une personne dans les ministères aurait pensé qu'il allait falloir apprendre aux gamins à utiliser des tablettes, parce que ça allait exploser dans les années suivantes ? Je parlais d'apprendre la dactylo et vous avez applaudi bêtement tant cela paraît évident que pour bien utiliser un ordinateur, autant savoir utiliser correctement un clavier, ce qui évite de se concentrer sur la position des touches quand on travaille... Mais c'est complètement con ! Les claviers des tablettes sont tellement merdiques que l'on finira par écrire directement sur l'écran avec un stylet, voir sur un papier avec un crayon et qu'on numérisera le tout ensuite...

Et l'on voudrait décider dans les ministères ce pourquoi il faudrait former des enseignants pour qu'ils donnent des leçons aux gamins pour des trucs de nouvelles technologies qui seront dépassées au moment de leur mise en pratique ? Déjà, dans les écoles d'informatiques, ils sont nécessairement dépassés par la vitesse d'évolution de ces machins (trouvez moi un prof qui ait déjà développé une vraie web application pour smartphone en HTML5...), les écoles primaires devraient être au top ?

Restons calmes...

9 commentaires:

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    1. Oui pour tout. Il ne s'agit pas tout à fait d'informatique à l'école, d'ailleurs... Le projet Hamon concerne les collégiens et leur temps périscolaire, mais c'est pareil. Il ne reste plus qu'à dégotter comme formateurs des retraités, bénévoles de préférence, à qui il reste quelques notions de pascal... Entendu à la radio "ils pourront faire des pages web en html". La belle affaire !
      Un projet ambitieux consisterait à apprendre à lire et à écrire pendant le temps scolaire. Les professeurs de collège voient de plus en plus d'élèves qui ne savent pas lire arriver en 6ème.

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    2. Oui. Revenir aux bases. Le HTML aura disparu quand ils arriveront dans le circuit professionnel. Le Pascal n'est plus utilisé. Des outils permettent de générer des pages HTML. Tiens ! Avec votre blog vous en faites sans le savoir.

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  2. Pour le PHP tu repasseras avec tes outils informatiques...

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    1. Tu fais erreur. Avant de faire une application en php, il faut faire un cahier des charges, ce qui nécessite de connaître plus l'environnement que le langage.

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  3. Je suis d'accord avec toi.

    Pour le cahier des charges (et l'expression de besoin, (ton commentaire plus haut), ça m'amuse car c'est un des sujets principaux d'un cours que je donne.
    Et tu as raison. Avant de commencer à programmer, c'est ultra important d'être clair sur ce que l'on veut, d'exprimer son besoin. C'est la base, à mon avis...plus que le code.

    Enfin bon il doit rester des Thomson MO5 ou TO7 dans les écoles, non ?

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    1. Oui. C'est dommage que les informaticiens amateurs pensent que leurs compétences pourraient leur permettre de travailler alors qu'ils ne se rendent pas compte que les professionnels eux-mêmes trouvent leurs limites, c'est un peu l'objet de mon billet.

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    2. Je vais illustrer. Le génie de Facebook n'est pas sa programmation mais l'idée de base qui ne nécessite aucune compétence informatique. Et la technique, les serveurs, les bases de données,... qui permettent de supporter une charge considérable avec des performances incroyables.

      La gestion des bases est plus importante que le php.

      En 79, à 13 ans, je développais mon premier jeu de tennis sur microordinateur. Un peu après je développais un casse brique. Je n'avais rien appris à l'école. J'avais un don.

      Mais à 30 ans, en 1996, je me suis retrouvé dépassé par la technologie mais je savais ce que pouvait faire l'outil. Mon salaire a doublé depuis, pas celui des gens avec qui je bossais à l'époque, plein de formations.

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