13 novembre 2014

L'immaculée conception

Dans ce doux métier d'informaticien, quand on a la chance de bosser en amont des projets, on a la chance de concevoir des trucs. Le type qui a conçu Twitter, par exemple a eu un peu de chance avais dans la vraie vie, on a un patron qui nous dit : je veux ça. Certes, pour mon billet, j'ai trouvé le titre parfait ce qui m'incite à le rédiger, mais, hier et aujourd'hui, je fus confronté à deux problèmes de conception qui ont fait que j'ai fini affreusement tard. Hier : des collègues perdus dans un nouveau truc. Ce soir des fournisseurs qui ont foiré. 

Cela étant, n'ayez pas l'impression que je me vante. C'est mon job. Ouvrir Word. Cliquer sur "nouveau". Concevoir. 

La page blanche ? 

Sur un des mes projets, j'avais besoin de faire évoluer une application gérée par des collègues d'une autre équipe. Trois fois rien. Disons 10 jours de boulot pour eux et une trentaine pour leur fournisseur. J'ai donc fait un premier document qui décrivait le besoin. Une réunion a été organisée. Il y a été décidé que je ferais un deuxième document. Je ai fait. Une deuxième réunion a été organisée. Personne n'avait lu mon deuxième document. Il y a trois semaines, je vais voir le chef (un copain). Je lui demande où ils en sont. On papote. Je conclus en lui disant que son équipe ne serait pas capable de faire ce que je demande (cette remarque n'a rien de péjorative, ils n'ont pas le temps). Nous en déduisons qu'il fallait que je fasse le job et qu'il faudrait que son équipe le valide. Ça m'a pris une heure. J'insiste sur le une heure. Je connais le dossier. Il me faut une heure. Ils ne le connaissent pas. Il leur en faut trois, cinq ou huit. Troisième document. Il fallait que je le lui envoye personnellement pour qu'il fasse croire à son équipe que c'était elle qui l'avait rédigé. La vie de bureau.

Tous les jours, depuis, je lui demandais s'il l'avait lu, par jeu. Hier soir, néanmoins, je suis allé le voir sérieusement. Bon ! Vous en êtes où ? 

Il me dit : je ne comprends rien, je ne sais pas ce qu'on doit faire, il me faut ci il me faut ça. Je lui demande des exemples. Il me cite la première ligne de mon document (après l'introduction). Je lui dis c'est quoi la question ? Il me la pose. Je lui dis relis la phrase de mon document la réponse y est. Au suivant. Pareil. Je vous jure qu'on a fini par s'engueuler (comme on peut s'engueuler entre copains, rien de grave au niveau humain). Le directeur qui entendait le ton monter est intervenu (dans le boulot, je ne suis pas comme dans Twitter, je ne traite pas l'interlocuteur de connard à la moindre contrariété). On a fini par rigoler, tous les trous plus un collègue qui avait été pris à témoin dans l'histoire. 

J'en tire une conclusion : l'informaticien peut gérer brillamment un truc mais sera perdu si on lui demande quelque chose qui sort de son quotidien. Il a pas la souplesse nécessaire pour ouvrir un document puis créer son propre document (un cahier des charges, une expression de besoin,...). Il a pas la capacité de faire le vide dans sa tête et de réfléchir à un truc nouveau, même s'il est hyperactif simple. 

Je vais prendre un exemple. Prenez le chef de projet iPhone chez Twitter et demandez lui de dire ce que devrait être une application iPad... 

Vous comprendrez pourquoi l'application Twitter de l'iPad est pourrie. 

L'erreur de conception ?

Dans le boulot, nous utilisons beaucoup de progiciels. C'est-à-dire de logiciels qui ne sont pas destinés au grand public mais à un nombre très restreint de clients, des entreprises, souvent très grosses, comme la mienne. Le fournisseurs a parfois seulement deux ou trois clients. Si l'un d'entre eux veut une modification, il y a neuf chances sur dix pour qu'il se plante. Voir le chapitre précédent à propos de la page blanche. Personne n'ose concevoir donc, finalement, le premier imbécile qui passe par là se retrouve forcé de le faire et il se plante. 

C'est con. Il suffirait d'une réunion de deux heures pour poser des bases mais les fournisseurs de progiciels rechignent à réunir leurs clients. Surtout s'il se trouve des couillons comme moi. 

Toujours est-il que la semaine dernière, un de mes propres clients me dit qu'il ne comprend rien à un aspect du progiciel que nous utilisons. Le fonctionnement était simplissime. Je lui explique par mail. Je lui explique à nouveau, il me dit qu'il ne comprend rien, je finis par le prendre pour un abruti, à ma grande surprise. C'est un client. Avant l'esclandre, je décide d'organiser une réunion avec lui et son équipe et surtout notre fournisseur. 

La réunion était hier soir. Le gars avait raison et je me suis confondu en excuses. Il y avait une telle de conception du progiciel qu'il ne pouvait pas fonctionner dans notre environnement. En fin, de réunion, j'ai balancé un nombre incroyables d'excuses pour ne pas avoir compris le lascar plus tôt. L'erreur était tellement grosse que personne ne l'avait vue sauf eux, par hasard. 

Désarçonné, après la réunion, j'envoie deux ou trois mails à des clients qui me confirment des trucs évidents. Le client (et moi, rallié par chance) avait raison. J'envoie donc un mail de confirmation au fournisseur : et paf ! Tu as tout faux. Il faut revoir la conception du truc. 

Je vaque (trois réunions). Le commercial du client envoie un mail à ma chef : tu te rends compte de ce que Nicolas nous demande, comme si on avait complètement foiré la conception, ça va vous coûter cher, désolé mais il faut que l'on fasse évoluer le progiciel ?  La chef lui réponds : attends, on va voir, mais tu as déjà vu un mail de Nicolas qui n'était pas justifié ? 

Le volet financier de l'affaire m'importe peu mais si ça nous coûte un bras, je pourrais me foutre l'augmentation annuelle sur l'oreille pour la fumer plus tard. 

Toujours est-il que l'ingénieur en charge du dossier chez le client m'envoie un mail pour me demander des précisions. C'est un copain, aussi. Ou, plus précisément, c'est un type que je connais depuis 1987. Trouvez deux autres types spécialisés dans les distributeurs de billets depuis plus de 27 ans, au monde, qui habitent près de la Place d'Italie et qui ont la chemise qui sort du pantalon à cause d'une légère surcharge pondérale et on en reparlera. 

Je précise que le dernier projet majeur que j'ai géré avec ce gugusse l'a été en 45 minutes alors qu'il nous a fallu plusieurs réunions de deux ou trois heures avec leur concurrent. 

Donc, on échange par mail. 

Pendant ce temps, la tension financière montait. Est-ce que les conneries de Nicolas allaient coûter des sous ? Ils me fallait me justifier (un jeu d'enfant mais c'est le hasard). 

La conclusion est : c'est une erreur de conception. 

C'est délirant. C'est un peu comme si les clowns qui développaient Facebook n'avaient pas compris que le "@" de Twitter et autres allaient servir pour désigner un destinataire, alors qu'à la base il set pour définir le service (je ne suis pas @jegoun mais jegoun@lefournisseurdemessagerie). 

J'insiste un peu sur le sujet car l'erreur de conception, à la base, peut coûter la peau des fesses. Facebook aurait pu tout perdre s'ils n'avaient pas géré le @. 

Cela étant mon premier exemple est plus significatif. L'absence de conception coûté beaucoup plus cher ! Le client ne paye plus et confie ses projets à une autre boîte. 

1 commentaire:

  1. Je vais faire mon malin: le @ valait 25 livres.... Lourd à gérer.... http://renepaulhenry.blogspot.fr/2011/02/arobase.html

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