Le bistro où je mange tous les midis est en plein centre de La
Défense, à une quinzaine de minutes de la Grande Arche. Il y a différents types
de clients, au comptoir, notamment des gens comme moi qui n’aiment pas
spécialement la cantine. Mais il y a aussi parfois des groupes. Je pensais que
c’était des ouvriers ou, du moins, des gens bossant dans le secteur mais n’ayant
pas accès à la cantine. Je ne faisais pas attention et j’ai mis plus d’un an
avant de me rendre compte qu’il y avait
beaucoup d’informaticiens. Souvent ils viennent le soir, aussi.
Le fait que les informaticiens soient surreprésentés peut s’expliquer,
outre par le lieu, par le fait que la sous-traitance est fréquente dans l’informatique
et que les sous-traitants n’ont pas accès aux tarifs privilégiés de la cantine.
Si un informaticien reconnait facilement un informaticien, ce
n’est pas avec les propos techniques mais avec le jargon employé. Un type qui
dit « il faut que j’envoie le DMP à la DPI » est aisément
identifiable par un type qui doit aussi envoyer des Dossiers de Mise en
Production à la Direction de la Production Informatique.
Alors, depuis quelques temps, je me mets à écouter les
conversations. Dans le blog bistro, j’ai fait récemment un billet parce que des
types, à côté de moi, bossaient très certainement pour une boite qui a été mon
client. Ils parlaient de gens que je connaissais. Je fais même exprès de me
mettre pas trop loin de ceux que j’ai repérés dans l’espoir d’en faire un
billet de blog.
Tout d’abord, il est assez de frappant de voir que le jargon
utilisé est vraiment à peu près le même. Il y a très peu de propos que je ne
comprends pas. Le plus rigolo est que tout le monde fait les mêmes fautes. L’autre
jour une collègue : « le fournisseur a livré toutes les anomalies ».
Je lui ai répondu : « non, il a livré le logiciel corrigé avec toutes
les anomalies corrigées ». Elle a fait un raccourci très fréquent (mais
toujours horripilant).
Le midi, quand ils sont ensemble, ils parlent parfois boulot
et avec un relatif sérieux, comme s’ils étaient en réunion.
Le soir, ils parlent systématiquement du travail mais
uniquement pour dénigrer la hiérarchie, l’entreprise, l’organisation, les
clients, les fournisseurs. Et ils sont toujours d’accord entre eux. Il n’y a
strictement aucune humilité, aucune remise en cause. C’est le trait commun à
tous les informaticiens : ils sont meilleurs que les autres. Si la
direction met en place une nouvelle organisation, c’est parce qu’elle fait
toujours n’importe quoi. L’informaticien ne se posera que rarement la question :
mais n’aurait-elle pas raison ? Ou ne fait-elle pas une réorganisation
pour nous obliger à bouger ? Aucune remise en cause (le plus drôle, pour l’avoir
vécu plusieurs fois, c’est qu’ils acceptent toujours les réorganisations sans
broncher !).
Le pire est que je suis probablement comme eux à ceci près
que, dans ma carrière, j’ai toujours eu des longues périodes où je fuyais les
collègues le midi et le soir.
En écoutant les informaticiens parler au bistro le soir, on
arrive assez facilement à distinguer les bons des mauvais ou, du moins, des
peine-à-jouir. Ce sont ceux qui critiquent toujours les technologies utilisées.
En fait, ils peuvent être très bons, techniquement, mais vivent dans une autre
planète ce qui les empêche de mener normalement des projets. Par exemple, j’ai
eu une fois une discussion avec un collègue qui nous reprochait de mettre du
Windows sur nos machines et pas Linux ou un truc comme ça. Il peut te tenir la
grappe pendant une heure sur le sujet sans prendre en compte l’argument
essentiel : nous utilisons des progiciels qui ne fonctionnement que sous
Windows. Changer cela coûterait la peau des fesses.
Ils savent tout mieux que tout le monde. Au bistro, on les
reconnait facilement : ce sont les plus bavards. Les autres les laissent
parler car ils savent qu’il n’y a rien à dire. Tous les informaticiens en ont
connu. Au bistro, il y en a presque toujours un dans un groupe.
Cette différence de comportement entre le midi et le soir
et, surtout, ce côté très négatif envers les autres, le soir, n’est
probablement pas spécifiques aux informaticiens ou à ceux qui gravitent autour
mais il est démultiplié par le fait que l’informaticien est généralement dans
les services centraux des sociétés et au cœur des processus d’organisation de l’entreprise
et ils prennent leur job pour très important.
Récemment, j’ai au bistro à côté de lascars de Rank-Xeros.
Ils travaillaient si j’ai bien compris dans la partie du système qui gère la
récupération des cartouches d’encre usagées ! Cela existe. On m’aurait
demandé ce qu’il y avait dans le système d’information de Xeros France, j’aurais
répondu un gros machin qui s’occupe de la partie commerciale, de l’approvisionnement
des revendeurs et des clients directs, une partie commerciale pour le commerce
par internet, une partie pour la gestion de la maintenance, des interventions
des techniciens,… Il faut savoir qu’il y en a une, aussi, pour la collecte des
cartouches d’encre. Si j’ai bien compris.
J’avais donc, à côté de moi, une partie ou toute l’équipe en
charge de ce machin. Il y avait évidemment un type plus vindicatif que les
autres, a priori le chef de l’équipe. A les écouter, Xeros France ne tenait que
sur l’informatique en charge de la récupération des cartouches d’encre… C’était très rigolo !
Toujours est-il que voila une excellente raison de ne pas
parler boulot au bistro, même avec des collègues : éviter de passer pour
des crétins et se retrouver cités dans un blog.
Un jour il faudra que je te parle du "Comment désosser un jambon ou quel est le meilleur moment pour acheter des IPE 330" tu verras c'est passionnant
RépondreSupprimerOui. Fonce.
SupprimerPour le jambon, il ne faut surtout pas connaitre le cochon
SupprimerPour l'IPE 330, lui dire qu'il est meilleur qu'un de 300
C'est simple , non !
Ne jamais oublier la règle n°1 : Ne jamais parler de boulot au bistrot.
RépondreSupprimerSauf, mais cela va de soi, si on est au bistrot pour le boulot.
Oui. Première règle.
SupprimerEn fait les informaticiens qui parlent boulot dehors c'est qu'ils en ont pas assez au bureau, du taf.
RépondreSupprimerEt j'abonde dans ton sens avec les linuxiens. Il est rare d'en trouver des ouverts sur la fenetre des postes d'entreprises, je veux dire windows.
Voilà je fais pareil je cause informatique, mais c'est pas l'heure de dejeuner :.)