03 novembre 2014

L'informaticien au bistro avec des collègues

Le bistro où je mange tous les midis est en plein centre de La Défense, à une quinzaine de minutes de la Grande Arche. Il y a différents types de clients, au comptoir, notamment des gens comme moi qui n’aiment pas spécialement la cantine. Mais il y a aussi parfois des groupes. Je pensais que c’était des ouvriers ou, du moins, des gens bossant dans le secteur mais n’ayant pas accès à la cantine. Je ne faisais pas attention et j’ai mis plus d’un an avant de me rendre  compte qu’il y avait beaucoup d’informaticiens. Souvent ils viennent le soir, aussi.

Le fait que les informaticiens soient surreprésentés peut s’expliquer, outre par le lieu, par le fait que la sous-traitance est fréquente dans l’informatique et que les sous-traitants n’ont pas accès aux tarifs privilégiés de la cantine.

Si un informaticien reconnait facilement un informaticien, ce n’est pas avec les propos techniques mais avec le jargon employé. Un type qui dit «  il faut que j’envoie le DMP à la DPI » est aisément identifiable par un type qui doit aussi envoyer des Dossiers de Mise en Production à la Direction de la Production Informatique.

Alors, depuis quelques temps, je me mets à écouter les conversations. Dans le blog bistro, j’ai fait récemment un billet parce que des types, à côté de moi, bossaient très certainement pour une boite qui a été mon client. Ils parlaient de gens que je connaissais. Je fais même exprès de me mettre pas trop loin de ceux que j’ai repérés dans l’espoir d’en faire un billet de blog.

Tout d’abord, il est assez de frappant de voir que le jargon utilisé est vraiment à peu près le même. Il y a très peu de propos que je ne comprends pas. Le plus rigolo est que tout le monde fait les mêmes fautes. L’autre jour une collègue : « le fournisseur a livré toutes les anomalies ». Je lui ai répondu : « non, il a livré le logiciel corrigé avec toutes les anomalies corrigées ». Elle a fait un raccourci très fréquent (mais toujours horripilant).

Le midi, quand ils sont ensemble, ils parlent parfois boulot et avec un relatif sérieux, comme s’ils étaient en réunion.

Le soir, ils parlent systématiquement du travail mais uniquement pour dénigrer la hiérarchie, l’entreprise, l’organisation, les clients, les fournisseurs. Et ils sont toujours d’accord entre eux. Il n’y a strictement aucune humilité, aucune remise en cause. C’est le trait commun à tous les informaticiens : ils sont meilleurs que les autres. Si la direction met en place une nouvelle organisation, c’est parce qu’elle fait toujours n’importe quoi. L’informaticien ne se posera que rarement la question : mais n’aurait-elle pas raison ? Ou ne fait-elle pas une réorganisation pour nous obliger à bouger ? Aucune remise en cause (le plus drôle, pour l’avoir vécu plusieurs fois, c’est qu’ils acceptent toujours les réorganisations sans broncher !).

Le pire est que je suis probablement comme eux à ceci près que, dans ma carrière, j’ai toujours eu des longues périodes où je fuyais les collègues le midi et le soir.

En écoutant les informaticiens parler au bistro le soir, on arrive assez facilement à distinguer les bons des mauvais ou, du moins, des peine-à-jouir. Ce sont ceux qui critiquent toujours les technologies utilisées. En fait, ils peuvent être très bons, techniquement, mais vivent dans une autre planète ce qui les empêche de mener normalement des projets. Par exemple, j’ai eu une fois une discussion avec un collègue qui nous reprochait de mettre du Windows sur nos machines et pas Linux ou un truc comme ça. Il peut te tenir la grappe pendant une heure sur le sujet sans prendre en compte l’argument essentiel : nous utilisons des progiciels qui ne fonctionnement que sous Windows. Changer cela coûterait la peau des fesses.

Ils savent tout mieux que tout le monde. Au bistro, on les reconnait facilement : ce sont les plus bavards. Les autres les laissent parler car ils savent qu’il n’y a rien à dire. Tous les informaticiens en ont connu. Au bistro, il y en a presque toujours un dans un groupe.

Cette différence de comportement entre le midi et le soir et, surtout, ce côté très négatif envers les autres, le soir, n’est probablement pas spécifiques aux informaticiens ou à ceux qui gravitent autour mais il est démultiplié par le fait que l’informaticien est généralement dans les services centraux des sociétés et au cœur des processus d’organisation de l’entreprise et ils prennent leur job pour très important.

Récemment, j’ai au bistro à côté de lascars de Rank-Xeros. Ils travaillaient si j’ai bien compris dans la partie du système qui gère la récupération des cartouches d’encre usagées ! Cela existe. On m’aurait demandé ce qu’il y avait dans le système d’information de Xeros France, j’aurais répondu un gros machin qui s’occupe de la partie commerciale, de l’approvisionnement des revendeurs et des clients directs, une partie commerciale pour le commerce par internet, une partie pour la gestion de la maintenance, des interventions des techniciens,… Il faut savoir qu’il y en a une, aussi, pour la collecte des cartouches d’encre. Si j’ai bien compris.

J’avais donc, à côté de moi, une partie ou toute l’équipe en charge de ce machin. Il y avait évidemment un type plus vindicatif que les autres, a priori le chef de l’équipe. A les écouter, Xeros France ne tenait que sur l’informatique en charge de la récupération des cartouches d’encre…  C’était très rigolo !

Toujours est-il que voila une excellente raison de ne pas parler boulot au bistro, même avec des collègues : éviter de passer pour des crétins et se retrouver cités dans un blog.


6 commentaires:

  1. Un jour il faudra que je te parle du "Comment désosser un jambon ou quel est le meilleur moment pour acheter des IPE 330" tu verras c'est passionnant

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Pour le jambon, il ne faut surtout pas connaitre le cochon
      Pour l'IPE 330, lui dire qu'il est meilleur qu'un de 300
      C'est simple , non !

      Supprimer
  2. Ne jamais oublier la règle n°1 : Ne jamais parler de boulot au bistrot.
    Sauf, mais cela va de soi, si on est au bistrot pour le boulot.

    RépondreSupprimer
  3. En fait les informaticiens qui parlent boulot dehors c'est qu'ils en ont pas assez au bureau, du taf.
    Et j'abonde dans ton sens avec les linuxiens. Il est rare d'en trouver des ouverts sur la fenetre des postes d'entreprises, je veux dire windows.
    Voilà je fais pareil je cause informatique, mais c'est pas l'heure de dejeuner :.)

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires s'active automatiquement deux jours après la publication des billets (pour me permettre de tout suivre). N'hésitez pas à commenter pour autant !