13 février 2015

L'informaticien au bistro

Je ne sais pas si je vous ai dit qu’il m’arrive d’aller au bistro ? Je ne sais si je vous ai dit que je fréquente maintenant le comptoir d’une très grande brasserie vers le milieu de la Défense, le midi et souvent le soir ? Je ne sais pas si je vous ai dit que j’ai découvert que la plupart des types qui mangent au comptoir sans cravate sont des informaticiens, donc des collègues à moi, et non des ouvriers travaillant dans le secteur comme je le pensais au début ?

Je ne vais pas au bistro pour écouter les conversations mais j’ai compris cela en entendant quelques expressions, du jargon du métier… J’avais entendu, une fois, des gugusses qui parlaient de gens que je connaissais, avec qui j’avais bossé, pour une autre entreprise que celle qui m’emploie actuellement.

J’ai remarqué, dans ces groupes, qu’il y a toujours une grande gueule qui se croit meilleur informaticien que les experts divers, les spécialistes, les chefs,… Ca me fait rigoler parce qu’est c’est souvent pareil, à la machine à café, on a toujours tendance à considérer les autres, du moins ceux des autres services, comme des nuls. C’est de bonne guerre. Mais, au bistro, ils se laissent aller. Personne ne contredit la grande gueule car, soit on croit qu’il est réellement bon, soit on sait que ça ne sert à rien et on laisse pisser.

Je ne vais pas au bistro pour écouter les conversations, certes, mais je le fais quand même parfois.

Il y a un nouveau groupe de quatre informaticiens qui fréquente mon bistro depuis deux semaines. Je les ai repéré dès le premier jour parce qu’ils parlent fort comme s’ils étaient saouls et sont particulièrement vantards, plus que les autres. Je dis « comme s’ils étaient saouls », c’est une façon de parler. Ils ont probablement bu deux ou trois pintes avant que j’arrive, soit assez pour ressentir les effets de l’alcool tout en continuant à se le nier. On connait tous le phénomène : les cons parlent de plus en plus fort parce qu’ils sont persuadés qu’ils ne sont pas encore assez saouls pour dire des conneries et que leurs propos sont plus intelligents que ceux des autres. Ce n’est pas spécifique à l’informaticien mais quand on est du métier, c’est très amusant. Je ne vais qu’occasionnellement au bistro avec des collègues de travail et on ne parle pas boulot.

Ces quatre-là sont consultants ou prestataires de service. Ils travaillent chez des clients, des boites comme la mienne, c’est-à-dire des grandes entreprises du tertiaire.

Récemment, j’entends : « ils sont vraiment nul les informaticiens de Dexia. » Mon dieu ! Je n’ai jamais parlé d’un de mes clients au bistro et, à part auprès de mes très proches, je ne parle jamais de mon employeur. Alors j’écoute.

Et j’entends : « ils ne sont pas plus nuls que les informaticiens de BIIIIIIP. » Je suis informaticien chez BIIIIIP et je n’ai pas été ravi d’apprendre à un comptoir que j’étais nul. Magnanime, j’ai laissé passer. On est toujours le nul d’un autre. J’aurais pu répondre : « ben dis-moi mon canard en quoi ils sont nuls et, ensuite, tu me présenteras ton CV, fais gaffe à la déprime. ».

Aujourd’hui, c’est vendredi, ils étaient un peu plus saouls que d’habitude. Du moins, leur légère ébriété quotidienne était plus accentuée que les autres jours. Un d’entre eux a lancé un sous-verre à un autre. C’est moi qui l’ai reçu sur l’épaule. Ils ont bredouillé des excuses. Je n’ai pas répondu. Je refuse les excuses de ceux qui font les cons au comptoir (ce qui ne veut pas dire que je ne pardonne pas).

Un peu plus tard, ils commandent une tournée de Calva. Celui qui était à côté de moi a violemment renversé son verre sur son comptoir par accident. C’est un miracle si je n’ai pas eu de dommage (l’odeur de Calva sur ma veste…). Alors le type a recommencé les excuses.

Je lui ai répondu, cette fois ! « Bah, ce n’est rien, tant que vous ne cherchez pas à faire une prestation chez BIIIIP, mon employeur. J’ai été prestataire pendant vingt ans, je ne suis jamais arrivé bourré chez un client après déjeuner. »


Ce qui n’est pas totalement exact mais, même avec deux grammes, je suis un roc : jamais un mot plus haut que l’autre. Peu importe.

Toujours est-il que je me demande si ces informaticiens vantards au comptoir se rendent compte qu'ils passent pour des cons ?

Voilà une règle : ne jamais bouffer tous les jours dans un bistro avec les mêmes collègues.

6 commentaires:

  1. Ah oui, grosse imprudence de citer les noms de ses clients et/ou employeur ! On ne sait jamais qui peut nous entendre (la preuve)
    Tu as bien fait de les moucher. Je me suis déjà fait ce genre de peit plaisir, c'est assez jouissif.

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  2. Ah oui, grosse imprudence de citer les noms de ses clients et/ou employeur ! On ne sait jamais qui peut nous entendre (la preuve)
    Tu as bien fait de les moucher. Je me suis déjà fait ce genre de peit plaisir, c'est assez jouissif.

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