Je suis tombé sur un sondage destiné aux directions « du
digital et de l’informatique ». Dès la deuxième question, j’ai abandonné.
Elle portait sur les enjeux du traitement de l’information pour l’entreprise.
Une vingtaine de points étaient proposés et il fallait choisir les trois
prioritaires. Il n’y avait rien au sujet du pognon à gagner, du service rendu
et de la qualité de ce service (disponibilité, ergonomie,…). Il y a un certain
nombre d’items qu’on ne comprend qu’à moitié. Et alors, me direz-vous ? Le
sondage est fait par une société de conseil dans le numérique, la stratégie et
tous ces machins. Je suis allé voir leur blog, destiné à des décideurs. Je n’aime
pas les cabinets de conseil.
Disons-le : la
transformation numérique est mal barrée notamment parce que les réflexions
débutent par la technologie, pas par les processus.
Ainsi, la technologie progresse et le message passé aux
entreprises est : allez-y ! Sans évoquer le pourquoi de la chose. L’exemple
souvent pris est le cloud computing.
Hop ! Cela devient la norme, il faut y aller. Tout d’abord, si le cloud
devient la norme, c’est parce que les moyens technologiques évoluent et qu’on
peut le faire. Le cloud n’est pas une fin en soi. « Cloud computing »
n’est pas la seule expression que l’on retrouve, il y a des machins suspects
comme « big data ».
Je vais vous expliquer les big data : les données
récoltées dans les machins informatiques sont si importantes que quand vous y
cherchez quelque chose, vous ne savez pas quoi. C’est un peu le principe de la
science fondamentale. Les lascars ne savent pas ce qu’il cherche, mais ils le
trouvent. Prenez Thomas Edison, il n’a pas dit : « je vais inventer
la lumière électrique. » Il a dit : « tiens, si je faisais
passer du courant dans un filament dans une ampoule vide hermétique, cela
pourrait faire de la lumière » en observant que les filaments de bambous jetés
au feu qui produisaient de la lumière sans se désintégrer. Vous imaginez un
cabinet de conseil dire à un décideur : tiens, il faut que tu fasses du big
data, mon cochon ! (ce qui en anglais donne big data, my pig). Prenons un
exemple de big data. La RATP et la SNCF ont des caméras de surveillance.
Imaginez qu’elles les utilisent pour connaître les trajets faits par les
usagers afin d’optimiser le trafic. Vous imaginez la puissance informatique à
mettre en œuvre : reconnaissance du visage, quantité d’images à analyser,…
Voilà, vous avez compris le big data. On
sait que cela existe, on l’utilise, mais on ne sait pas trop pourquoi et
comment. Du coup, il y a tellement de big data qu’il faut les foutre dans le
cloud. C’est simple.
Je vais rendre
service.
J’ai eu l’idée de chercher « conseil en transformation
numérique dans Google. » Je vais traduire quelques phrases au hasard.
« L’environnement
digital est en perpétuelle évolution, les canaux d’interaction avec le client
se multiplient et les opportunités d’action apparaissent dans des délais très
courts. » Comprendre : hé, connard, ton client a un iphone et
un smartphone, il faut que tu lui permettes de les utiliser avec tes services
et en plus, il faut que tu sois toujours l’innovation.
« Au
service de l’optimisation des processus métiers des entreprises, XXX apporte
une expertise sur les exigences métiers qui devront être prises en compte dans
une démarche de modernisation de l’offre de service par le digital. »
Comprendre : on ne connaît pas votre métier mais on peut vous donner une
expertise de ses exigences, si, si, je te jure.
A propos d’un dirigeant de cabinet : « Selon lui, la révolution des
usages numériques que nous vivons constitue une opportunité unique pour les
entreprises les plus visionnaires ; l’heure est au « Social Business » : la
combinaison vertueuse des fonctions métiers et IT de l’entreprise. »
Comprendre : filez-nous du pognon, on va vous en faire gagner.
Dans un billet intitulé : « La DSI au carrefour de la
Transformation Numérique », « Autant de chantiers considérables à adresser, souvent simultanément,
par le département IT et les autres métiers de l’entreprise. » Pour
ma part, cela fait donc trente ans que je fais de la transformation numérique ?
Comprendre : tu vas faire comme avant mais tu appelleras ça de la
transformation numérique. Dans le même ordre d’idée : « La force du cabinet réside dans sa
connaissance des marchés et des systèmes d'information de ses clients combinée
à une expertise forte des nouvelles technologies et des nouveaux usages. »
Comprendre : on connaît mieux vos systèmes que vous et en plus on connaît
tout.
La « disruption » est à la mode. « Innovation de rupture et Stratégie
Digitale: Provoquer l’innovation de rupture qui génèrera vos revenus de demain,
définir sa stratégie numérique et démarrer un nouveau métier. » Comprendre :
vous allez changer d’activité grâce à nous et gagner beaucoup d’argent.
Je prends.
« Une
communauté d’échanges et de pratique est un regroupement d’individus qui
échangent sur une thématique métier commune d’intérêt professionnel. » Comprendre : les gens qui échangent sont
les gens qui échangent et les thématiques métiers sont d’intérêt professionnel.
« Les
entreprises de taille intermédiaire doivent anticiper des disruptions,
provenant à la fois des petites et des grandes entreprises. »
Celui-là, je vous le laisse.
En fait, on va rentrer dans le grand bétisier de la transformation numérique. Tous les con sultants largués vont s'y mettre avec les agences de com et on va tomber en plein digital washing. Tes exemples sont éloquents.
RépondreSupprimerOuais. J'ai été consultant pendant 20 ans mais je dois avouer qu'on n'a jamais dépassé ce stade. C'est peut être pour ça qu'on gagnait du pognon.
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