18 avril 2015

La méthode RACHE


Je parlais récemment des méthodes Agile. En commentaire d'un autre billet, un copain a laissé un lien vers le site de la méthode RACHE. Comme une andouille, j'ai commencé par approuvé avant de comprendre que c'était une farce. 

Tiens ! Je leur pique une illustration pour montrer le résultat de l'application de cette méthode par un fabriquant de solutions informatiques bien connu. 

J'en retrouve tous les jours au travail.

Il y a trois ou quatre mois, je reçois la liste des actions décidées au cours d'un Comité de pilotage. Je vois une nouvelle tâche, attribuée à moi. Je comprends qu'il s'agissait de rédiger une spécification et de la faire valider par des clients. C'est donc normal qu'elle me soit attribuée mais je n'avais pas vraiment d'idée du besoin. Je vais voir ma chef qui était au Comité de pilotage. Je lui demande ce que c'est, elle me dit : je ne sais pas mais on a décidé qu'il fallait le faire. 

J'ai donc attendu un Comité projet (celui qui est "en dessous" le Comité de pilotage) pour poser la question aux braves gens. Ils étaient comme moi, incapables de comprendre ce que voulaient les instances supérieures. On discute et un type me propose une méthode : voila, tu vas nous envoyer un mail, récapitulant le contexte, la description de la demande, notre compréhension du dossier et ton avis, au nom de ta structure. On pourra ensuite faire circuler en interne.

Je le fais, l'équivalent d'un A4. Mon avis était que les développements allaient coûter un bras pour un truc totalement inutile. Je l'envoie.

Un mois après, sans réponse, à un autre Comité projet (d'un autre projet mais avec les mêmes participants), je les relance. Ils étaient tous bien emmerdés. D'accord avec moi, ça se voyait, ils tergiversaient. J'ai vite compris qu'ils n'avaient pas osé faire remonter à leur chef un document voulant dire qu'ils étaient de sombres abrutis. Alors, j'ai monté le ton : bon, les gars, vous êtes bien sympathiques mais si vous ne donnez pas de réponse, comme je suis "responsable de l'action", je vais être obligé de faire remonter les causes du blocage au Comité de pilotage. Ah bon ben c'est pas exactement ce qu'on t'avait demandé. Ah ben si. Ben oui. Mais non. Mais si. Le même gars que la précédente fois : ce qu'on voulait c'est une étude technique rapide des possibilités et des enjeux. Moi : je ne peux pas faire une étude technique si je n'ai aucun besoin exprimé. Bon ! Ce qu'on va faire : tu (moi) vas organiser un Groupe de travail dédié au sujet (sous-entendu : pour l'enterrer). 

Je l'ai fait. Il a duré un quart d'heure (ça me rappelle un autre exemple, tiens !) et j'ai pu fournir une réponse au Comité de pilotage.

Un bon exemple de la méthode RACHE, où le post it a été remplacé par une action dans un tableau.

Mon autre exemple.

J'avais, cette fois, un vrai sujet. J'avais dit à une collègue chef de projet : on a un truc à faire et, logiquement, il doit être mené par tes équipes. Rassure-toi, ce n'est pas urgent et tu auras du budget. Je lui explique et elle me répond que c'est beaucoup plus lourd que je ne le pensais et qu'il fallait un vrai chantier. J'en réfère au Comité de pilotage qui comprend bien mes arguments, prend acte que j'allais lancé une étude dont le résultat allait être une somme à six chiffres alors que trois ou quatre étaient inscrits à notre budget. Le Comité de pilotage était lui-même bien emmerdé : c'est lui qui avait fait le budget et il allait devoir chercher du pognon dans les hautes sphères de la hiérarchie.

Je me mets à fond dedans et, en deux ou trois jours, j'avais une fiche avec quatre solutions possibles pour répondre au besoin et je pouvais donc lancer un Groupe de travail. J'envoie le document.

Quinze jours plus tard, la réunion commence. J'ouvre la séance en présentant le débat. Voilà, il faut faire ça. J'ai quatre scénarios, le premier est présenté pour la forme (c'était ne rien faire), ne l'étudions pas.

Une intervenante fait ce qu'elle a à faire : elle intervient. Elle dit ; mais je ne comprends pas on le fait déjà comme ça. Cela correspondait à mon deuxième scénario, celui que j'avais présenté à ma collègue qui m'avait répondu qu'elle ne savait pas faire simplement. Elle répond : ben oui, on fait comme ça. Je rentre ma colère : elle m'avait fait bosser pour rien et convoqué un groupe de travail. Dans les blogs, je suis un peu bourru mais dans la vraie vie, je suis diplomate. Je réponds : "ah ben c'est mon scénario 2, si on sait le faire, il coûtera bien moins cher que les autres, ce n'est pas la peine de continuer. La réunion est close, on a été vachement efficace, cinq minutes pour un tel sujet !, je vous remercie pour votre participation."

A ce stade, ce n'est pas totalement de la méthode RACHE, c'est la connerie d'une personne qui ne savait pas que son service faisait déjà un truc. Dans le fond, ce n'est pas très grave mais ce que je lui reproche c'est d'avoir été formelle dans sa réponse au point de ne pas réfléchir cinq minutes, de regarder ses dossiers.

Mais le plus drôle est la suite de la réunion. Alors que j'allais raccrocher, la participante a dit : "ben non, tu as présenté quatre scénarios, il faut les étudier". J'ai répondu que ce n'était pas utile, elle a insisté et eu le dernier mot.

Et on a passé une demi heure à étudier chacun des scénarios, y compris le premier qui consistait à ne rien faire (il fallait donc étudier les conséquences), y compris le second qu'on maîtrisait,... Deux heures de réunion alors que la conclusion avait été tirée dans les cinq premières minutes.

J'ai fait un compte rendu de cinq lignes que j'ai envoyé par mail pour validation. L'intervenant m'a rapidement répondu pour me dire que mon mail ne retranscrivait pas l'intégralité des échanges.

Alors, j'ai modifié mon compte rendu. J'ai ajouté une ligne : "La décision était prise dès l'exposé du problème mais unetelle nous a demander d'étudier à fond chacun des scénarios pendant une bonne demi-heure, elle se tient à votre disposition pour vous expliquer". Et je l'ai envoyé à tout le monde.

Depuis, elle est beaucoup plus sage en réunion.

3 commentaires:

  1. Quand tu connais ton domaine d'intervention et que tu papotes un peu avec les opérationnels sur leur quotidien, tu as 95% de chances d'en savoir plus que les participants aux comités (DIR / PIL /PROJ) sur ce qui se passe concrètement dans leurs secteurs.
    Il devient plus facile de sortir trois solutions, ne rien faire, une solution politique (chère mais qui permet de faire mousser un boss ou un autre ) et une solution pragmatique qui est souvent le fruit de l'expérience (pour faire efficace et moins cher).
    En réunion, soit les gens (qui en connaissent moins que toi sur les impacts potentiels) te font confiance et c'est la solution pragmatique qui est mise en oeuvre, soit tu es pris dans les manoeuvres politiques de certains participants et là même le pire devient possible.
    Le truc le plus difficile est d'empêcher les participants de refaire l'étude complète en séance. Les convaincre que l'étude est faite et que leur rôle consiste à (seulement) décider est parfois un tour de force. Mais c'est la raison chronique (en France) des réunions qui n'en finissent pas.
    Quand ça me chauffais un peu les oreilles, je lâchais le fait qu'on était là pour décider et pas pour réinventer la roue.... et le plus souvent tout rentrait dans l'ordre (du jour)...
    Bon week-end

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    1. Ton premier paragraphe n'est pas toujours vrai, il y a des dirigeants compétents. Le problème des opérationnels est qu'ils ne connaissent pas le boulot des autres mais croient le connaître, ce qui rejoint d'ailleurs la fin de ton commentaire où les gugusses qui veulent refaire les études déjà faites ou pas de leur ressort.

      Pour une nouvelle application que l'on développe, je me rappelle avoir passé une réunion pendant des heures pour savoir ce qu'on allait mettre sur le ticket des clients et je n'arrêtais pas de dire : stop ! Ce n'est pas de notre ressort mais de celui du juridique et du marketing. Les autres les ont traité d'incompétents et tout ça. Je leur ai alors dit que le ticket qu'ils avaient pondu est contraire à la réglementation (je suis un expert, quand même, pas payé pour son absence de connaissances...), ils m''ont répondu que la réglementation était mauvaise. J'ai fait le compte rendu avec exactement le contraire de ce qu'ils avaient dit et pas un seul n'a fait un retour. Ca calme.

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  2. Un peu à l'arrache, tout cela..

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